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Antonio Vivaldi

JUDITHA TRIUMPHANS
devicta Holofernis barbarie

Juditha, Magdalena Kozena
Holofernes, Maria José Trullu
Vagaus, Marina Comparato
Abra, Anke Herrmann
Ozias, Tiziana Carraro

Coro Giovanile dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia

Academia Montis Regalis
direction : Alessandro de Marchi

3 CDs Opus 111


Voilà le premier volume de ce que l'on peut d'ores et déjà appeler un monument : l'intégrale au disque de la musique d'Antonio Vivaldi. La petite maison de disque opus 111 se lance dans une entreprise absolument titanesque, un peu comme Teldec avec l'intégrale des cantates de Bach ou Philips et son intégrale Mozart. On peut juger l'entreprise suicidaire, en effet Vivaldi n'a pas toujours très bonne réputation, en particulier en France, certains musicologues allant jusqu'à écrire que le prêtre roux est le compositeur de 456 concertos différents, ou plutôt 456 fois le même concerto ! Pour couronner le tout, pour ce premier volume, sorte de " carte de visite " de l'intégrale, on a choisi une oeuvre religieuse, peu connue, oratorio en latin, de presque trois heures, et chantée uniquement par des femmes ! Juditha Triumphans est le seul oratorio de Vivaldi qui nous soit parvenu. Redécouverte dans les années 20 avec la majorité des autres oeuvres vocales et religieuse du compositeur, la partition a été composée pour les jeunes filles de L'Ospedale della pietà, orphelinat où Vivaldi assumait le poste de maestro dei concerti. Cet établissement, qui accueillait de jeunes orphelines vénitiennes et les formait, entre autres, à la musique, était connu pour l'excellence de son orchestre, son choeur et de ses solistes vocaux. Pour couronner le tout, Opus 111 nous propose une distribution presque entièrement inconnue (à l'exception, majeure, de Magdalena Kozena  et de Maria José Trullu) et un chef loin du star-système baroque.

C'est donc avec une certaine défiance que l'on attaque l'écoute de ce disque. Mais dès les premières mesures de la sinfonia d'ouverture (qui n'est pas celle d'origine, perdue, mais que le chef a merveilleusement reconstituée, exactement dans le ton guerrier pour le premier mouvement et sensuel pour le deuxième, les deux tons principaux de l'oeuvre) on est emporté par le son puissant et solide de l'orchestre, la justesse des tempi et de l'articulation. On a l'impression d'entendre du Minkowski, sans la précipitation, du Jacobs, sans raideur, du Christie, sans mollesse, de l'Harnoncourt, sans l'âpreté : le jeune chef italien parvient à faire la synthèse de tous les grands baroqueux, sans tomber dans leurs travers. A l'entrée du choeur le ton ne change pas ; passé l'étonnement d'un choeur guerrier chanté par 4 voix de femme, l'articulation tendue, la percussion des consonnes ont une grande force d'évocation. C'est l'Holophernes de Maria José Trullu qui commence avec un air guerrier : la voix sombre et ample n'est pas sans rappeler Horne (le style en plus !), la vocalisation est sûre, l'aigu triomphant. Suit l'air de Vagaus, eunuque, écuyer d'Holofernes. La voix de Maria Comparato n'a pas la séduction immédiate de celle de Trullu mais ce mezzo léger, très agile, possède une très belle vibration naturelle et une connaissance du style qui lui permet d'aborder le rôle dans les meilleurs conditions.

Le grand choc de ce premier CD est l'air d'entrée de la Judith de Magdalena Kozena. On connaissait le timbre de velours et la ligne sans faille de la mezzo tchèque, mais on pouvait lui reprocher une certaine froideur dans ses enregistrements précédents. Ici dès la première phrase, toute critique est impossible quand à son interprétation : elle nous livre un vrai bijou de caractérisation, à la fois sensuelle, aimante et angoissée ; cette Judith appelle d'emblée l'admiration et la compassion. Tout de suite après cette pure merveille vient la grande découverte de ce volume : Anke Herrmann. Le personnage pur et simple de la servante de Judith, Abra, trouve en cette jeune soprano ukrainienne une interprète lumineuse. Le timbre est mordoré, les demi-teintes subtilement colorées, la vocalisation triomphante et surtout la musicalité pleine d'intelligence ; cette voix n'est pas sans rappeler une Bonney à ses débuts ou, plus proche de nous, Veronica Cangemi. Pour compléter cette très belle distribution, la voix noble de Tiziana Carraro sert à merveille le petit rôle d'Ozias.

Mais tous ces atouts vont-ils faire passer la pilule de trois heures d'airs à da capo ? Et bien sans aucun mal car l'oeuvre de Vivaldi est absolument époustouflante. La diversité des airs, des instrumentations, l'urgence des récit (jamais bavards) font de cette oeuvre un exemple d'équilibre musical, jamais ennuyeux ; on se surprend même à se jeter sur sa chaîne, le dernier disque fini, pour réécouter le premier ! Bien sûr la très belle différenciation des voix dans la distribution et le superbe continuo participe à cet enthousiasme mais la pièce est vraiment passionnante de bout en bout ; du très grand bel canto baroque.

A noter un livret très bien écrit avec, en particulier, un chapitre passionnant sur les choix interprétatifs du disque.

En tout cas cette intégrale commence très bien, vivement les opéras ! (*)
 
  


Jean-Christophe Henry


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(*) Voir aussi La Verita in cimento, et l'Olimpiade
autres volets de cette intégrale Vivaldi qui paraît chez Opus 111/Naive

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