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Richard WAGNER (1813-1883)
LOHENGRIN
König Heinrich, John Macurdy
Lohengrin, Peter Hofmann
Elsa von Brabant, Eva Marton
Friedrich von Telramund, Leif Roar
Ortrud, Leonie Rysanek
Heerufer, AnthonyRaffell
Ein junger Hirt, Bill Blaber
Metropolitan Opera Orchestra, Chorus & Ballet
James Levine
Mise en scène, August Everding
Décors, Ming Cho Lee
Costumes, Peter J. Hall
Lumières, Gil Wechsler
Producteur, Samuel J. Paul
Directeur, Brian Large
2 DVD Deutsche Grammophon, 00440 073 4176
La lumière dans les yeux
Il y a deux écoles de
wagnériens : ceux qui aiment Levine et ceux qui
n’aiment pas. Les premiers étant
généralement assez réceptifs aux productions du
Metropolitan et les autres carrément allergiques. Allergies
parfaitement compréhensibles à en juger par le
récent DVD de Tannhäuser,
semblant sortir d’un fond de cave avec voix
éraillés et chanteurs hirsutes. Il est à craindre
que la présente production, due à August Everding, et
filmée par l’immense Brian Large, ne nourrisse les
mêmes pathologies. Et pourtant ! C’est typiquement le
genre de DVD qui peut faire aimer Wagner à un amateur exclusif
de Desperate Housewives ! Qui pourrait montrer ce que c’est que l’opéra à un aficionado
de télé-réalité ! Qui serait à
même de faire entrer dans le mystère de l’art total
un cadre supérieur amateur de tiercé !
D’abord, musicalement, c’est à couper le souffle. Le
lyrisme déployé par Levine, cette sève jamais
tarie, le sens dramatique infaillible… qu’on m’en
montre d’autres ! Il ne s’agit pas de dénigrer
les uns pour encenser les autres, mais ce phrasé, ce
modelé incroyable de la pâte orchestrale, cette rythmique
imprégnée de rubatos toujours extrêmement
calculés – on les cherche en vain à… Berlin
par exemple ! Il faut dire et redire que Levine est tout
simplement un immense chef de théâtre. Ecoutez
l’introduction du troisième acte, cette vivacité
colorée, et le chœur qui s’ensuit : quel
savoir-faire de premier ordre.
Et Peter Hofmann en chemise de nuit ! Et Eva Marton avec des
frisouillis ! toute plaisanterie à part, nous voici face au
grand saut : ou bien on refuse l’obstacle, on éteint
son DVD, on met zéro étoile, considérant que la
rivalité qui oppose Marton et Hofmann en matière de
brushing relève du cauchemar organisé, ou bien on saute
et alors : bonheur !
Car nous voici face à deux héros de format
wagnérien, mais wagnérien lyrique. Ils jouent, ils
incarnent, ils dominent avec un sérieux confondant. Si certains
ne veulent pas y croire, eux y croient pour nous. Et portés par
l’incandescent Levine, ils emportent tout sur leur passage.
C’est ainsi qu’il faut chanter Wagner : sans second
degré, avec le ventre, parce que la beauté est là.
Le regard concentré de Hofmann quand il chante, sa mâle
assurance, son audace, effacent bien des pailles vocales. Quand
à Marton, elle vit dans son rêve, énamourée,
évaporée, conquise, évanouie, magnifique.
Macurdy pourra paraître quelque peu usé,
n’importe : c’est l’autorité même.
Quant à Leif Roar, il fait « roâr »
- grondant, méchant, ignoble et faible. A ses
côtés, joie, c’est bien Rysanek qui nous est
donnée, maléfique et sublime. La voix peut avoir des
travers de justesse, elle n’en est pas moins renversante
(lumière du timbre, phrasé) – et ce hurlement
final ! brrrr !
Sauf si l’on s’appelle Wieland, m’est avis
qu’il faut monter Wagner sans renâcler sur les accessoires,
sans éviter les clichés, car Wagner
précisément est une grande usine de recyclage ; lui
retirer sa matière première, c’est le transformer
en outre vide. Everding y pourvoit d’abondance. Nous ne sommes
pas dans la salle, ce que nous en voyons nous est livré par le
fabuleux Brian Large. Captation
« héroïque »,
c’est-à-dire attentive à tous les symboles,
à toutes les postures, aux regards, à ce que
l’opéra peut sécréter, presque sans
s’en rendre compte, de surnaturel (la lumière dans les
yeux de Hofmann au moment du départ, le nimbe à son
arrivée).
C’est bien simple, à la fin, on est comme Eva Marton aux saluts - allez voir.
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