Richard WAGNER
DIE MEISTERSINGER
VON NÜRNBERG
Mise en scène : Nikolaus
LEHNHOFF
Décors : Roland AESCHLIMANN
Costumes : Moidele BICKEL
Lumières : Jürgen
HOFFMAN
Eva : Petra Maria SCHNITZER
Magdalene : Brigitte PINTER
Walther : Peter SEIFFERT
David : Christoph STREHL
Hans Sachs : José VAN
DAM
Beckmesser : Michael VOLLE
Veit Pogner : Matti SALMINEN
Herman Ortel : Giuseppe SCORSIN
Hans Schwarz : Guido GÖTZEN
Hans Foltz : Reinhard MAYR
Kunz Vogelgesang : Martin ZYSSET
Konrad Nachtigall : Cheyne DAVIDSON
Fritz Kothner : Rolf HAUNSTEIN
Balthazar Zorn : Volker VOGEL
Ulrich Eisslinger : Andreas WINKLER
Augustin Moser : Boguslaw BIDZINSKI
Le veilleur de nuit : Günther
GROISSBÖCK
Franz WELSER MÖST
Choeur et orchestre de l'Opéra
de Zurich
2 DVD EMI 00440 073 0949
Peu de temps après les
Maîtres
chanteurs en
technicolor du Met, nous parvient cette captation
zurichoise qui s'inscrit clairement dans l'optique et l'esthétique
codifiées il y a un demi-siècle par Wieland Wagner et perpétuées
à Bayreuth par son frère cadet, Wolfgang. Cette référence
suffit presque à caractériser le travail de Nikolaus Lehnhoff,
solide mais dépourvu d'originalité si l'on excepte quelques
belles images, comme celle qui conclut le deuxième acte. Le metteur
en scène cherche à bannir tout élément folklorique,
ne concédant qu'une toile peinte pour la scène finale, et
mesure chichement les repères qu'il offre au spectateur. Ceci nous
vaut en particulier un deuxième acte d'une grande neutralité
scénographique où son attention se porte uniquement sur les
acteurs, dirigés avec beaucoup de précision et d'intelligence,
ce qui lui permet de souligner l'engagement d'un étonnant Beckmesser
mais aussi le manque de crédibilité d'une Eva un peu trop
matrone. Mais ce qui rend cet enregistrement passionnant, c'est le travail
d'une caméra qui scrute les regards et les expressions et s'autorise
des gros plans, des angles et des cadrages aussi audacieux qu'efficaces,
ainsi que la réalisation qui utilise toutes les ressources possibles
pour conférer au spectacle une nervosité et une originalité
qui lui faisaient peut-être défaut sur le vif. Enfin, j'avoue
ma perplexité devant la curieuse pantomime qui remplace le défilé
des corporations et nous transporte en plein carnaval de Venise plutôt
que dans la Nuremberg moyenâgeuse.
On peut regretter que cette captation arrive un peu tard pour le Sachs
de José Van Dam, maître chanteur par excellence qui, en accord
avec la vision du metteur en scène, exagère le côté
philosophe du cordonnier. La relation avec Eva souffre de cette composition
qui néglige la flamme intérieure animant encore le personnage,
devenu ici un sage... un peu trop sage. Vocalement, si l'on continue à
admirer le musicien sans réserve, force est de constater que la
voix a perdu l'essentiel de ses couleurs. Le chant, toujours aussi intelligent,
pâtit, d'un point de vue strictement sonore, de la comparaison avec
celui de James Morris : ces deux enregistrements simultanés marquent
ainsi le passage de témoin d'un Sachs mémorable à
un autre qui l'est déjà tout autant. En revanche, Michael
Volle est un Beckmesser inhabituellement jeune et incisif, abordant le
rôle avec les pleins moyens d'un Don Giovanni, ce qui lui permet
de s'imposer avec éclat dans la morgue et la menace, comme ensuite
dans le pathétique. Scéniquement, l'acteur est très
inspiré et remarquablement servi par la caméra. Une prestation
à retenir.
Nous connaissions déjà l'éclatant Walther de Peter
Seiffert grâce à la plus récente captation de Bayreuth.
Le chanteur allemand n'est pas un grand acteur, mais il est en revanche
le ténor wagnérien de sa génération avec un
instrument qui a gagné en puissance et en endurance sans rien perdre
de sa luminosité. La poésie du timbre, la qualité
de la ligne de chant et l'élan juvénile assurent une prestation
mémorable. Rarement en effet la liberté et la nouveauté
du chant de Walther, qui déboule comme un OVNI dans la confrérie
très fermée et très réactionnaire des maîtres,
nous sont apparues avec une telle évidence. Je serai plus réservé
au sujet de sa compagne, à la ville comme à la scène,
Petra Maria Schnitzer : une voix au grain assez commun rehaussée
toutefois par des aigus irisés, et une prestation à l'image
de sa participation au quintette, musicale mais en rien transcendante,
d'autant que l'actrice est peu crédible, apportant de la pétulance
là où l'on souhaiterait de la fraîcheur. Matti Salminen
offre ses graves somptueux à un Pogner de grand luxe, aux côtés
d'un David tout à fait prometteur ainsi que d'une Lene trémulante
et insuffisamment attentive au mot.
Franz Welser-Möst réalise depuis quelques années
un très bon travail à Zurich. Cet enregistrement en témoigne,
avec une lecture qui refuse l'hédonisme sonore et s'efforce d'alléger
(sans outrance) la matière orchestrale, tout en apportant un soin
amoureux au moindre détail de cette partition envoûtante,
en veillant à chaque respiration et en servant parfaitement ce que
l'oeuvre comporte de fougue et de lyrisme. Ce chef encore jeune manifeste,
au travers de son travail analytique et sans maniérisme, une belle
maturité et de réelles affinités avec l'écriture
wagnérienne. L'orchestre le suit dans ses intentions, ainsi que
des choeurs très satisfaisants.
Voici un parfait complément à la représentation
du Met pour explorer les différentes facettes d'un des ouvrages
les plus riches du répertoire.
VINCENT DELOGE
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[19/04/05]