Vincenzo BELLINI (1801-1835)
NORMA
Tragédie lyrique en deux
actes
Livret de Felice Romani (Alexandre
Soumet)
Norma : Edita Gruberova
Adalgisa : Elina Garanca
Clotilde : Judith Howarth
Pollione : Aquiles Machado
Oroveso : Alastair Miles
Flavio : Ray M.Wade
Vocal Ensemble Rastatt
Chef de choeur : Holger Speck
Staatphilarmonie Rheinland-Pfalz
Direction : Friedrich Haider
2 CD Nightingale- 2005 - N°
NC 040245-2
Live performance à Baden-Baden
Avril et Mai 2004
Norma ! Quelle cantatrice n'a pas rêvé d'interpréter
cette partition phare du bel canto de l'ottocento. Avec Tosca et
Carmen, Norma fait partie de ces rôles que bien des divas, avec des
moyens plus ou moins adaptés, ont un jour abordés. Sans écueils
vocaux rédhibitoires, avec une tessiture relativement centrale,
rien n'empêchait a priori Edita Gruberova de se lancer à l'assaut
de ce pilier du répertoire, après avoir abordé nombre
de Donizetti et Bellini avec des bonheurs divers. Elle avait déjà
enregistré, il y a près de vingt ans, le fameux "casta diva"
dans un récital EMI qui n'a pas marqué les esprits, faute
d'engagement dramatique.
Depuis une paire d'années, c'est en version de concert que la
soprano slovaque interprète Norma, notamment à Vienne
et dans les pays germanisants où elle jouit d'une célébrité
inébranlable. A la première écoute de cet enregistrement
live, on note d'emblée qu'avec le temps la voix a pris du
corps et l'artiste mûri l'approche de ce répertoire, même
si certaines facilités ou décalages de style restent encore
surprenants, voire inexplicables.
Aujourd'hui que ses subjuguant suraigus sont plus précaires,
Norma arrive logiquement dans son catalogue de rôles, même
si le timbre n'est toujours pas celui dont on peut rêver pour ces
emplois dramatiques. Mais adulée ou détestée, on ne
peut dénier à Edita Gruberova un organe des plus originaux,
alliant une virtuosité hors pair à une ampleur rare à
ce type de voix jusque dans le suraigu, et à un grain très
particulier, à la fois ambré, dense et lumineux. Il faut
l'avoir entendue sur scène pour saisir toutes les particularités
du soprano.
Malgré bien des efforts, notables d'un enregistrement à
l'autre, il reste à la cantatrice des tics gênants qui "cassent
î par moments tous les effets dramatiques auxquels elle s'est employée,
des mièvreries agaçantes, d'autant plus flagrantes au sein
d'une interprétation globalement de belle allure. La légèreté
de son instrument n'est pas en soi un handicap, Sills ou Sutherland ayant
par exemple montré que le timbre n'est pas l'atout central du rôle,
mais on regrette des parlando incongrus, des coups de glotte assez
mal à propos, des suraigus hasardeux ou des notes graves qui se
veulent dramatiques et qui semblent appartenir à une petite fille
hystérique.
On doit reconnaître que l'accompagnement de Friedrich Haider n'aide
guère la cantatrice à se départir de ses mauvaises
habitudes (voir, a contrario, la réussite des Capuleti avec
Muti chez EMI). Cette direction chaotique, tantôt outrancière,
tantôt parfaitement juste, ne permet pas de donner à cette
version la place à laquelle elle aurait pu prétendre. Il
y a des couples chanteur/chef qui fonctionnent (Scotto/Muti, Freni/Sinopoli,
Callas/Serafin), d'autres moins, comme par exemple l'emblématique
couple Sutherland/Bonynge.
C'est d'autant plus regrettable que hormis l'excellente tenue de Gruberova
dont l'organe s'épanouit souvent magnifiquement, l'Adalgisa d'Elina
Garanca est une réussite absolue. Certes, les deux voix ne se marient
pas comme on pourrait le souhaiter dans les duos et trios, mais les qualités
de la jeune mezzo constituent un atout majeur de ce coffret. Fraîcheur
du timbre, maîtrise des registres, ligne vocale d'airain, intonation
idéale, ampleur naturelle, justesse du style et engagement dramatique,
Elina Garanca est une grande artiste en devenir. Pas encore poussée
(heureusement) par une équipe marketing avide, elle a tout pour
devenir une étoile majeure du chant. Croisons-les doigts et écoutons
cette première intégrale où elle brille de mille feux.
Avec cette Adalgisa au plus haut niveau des interprétations gravées
sur disque, le reste de la distribution hormis Gruberova paraît
d'autant plus pauvre. Aquiles Marchado est un Pollione dont on pensait
la race éteinte, même si la voix n'est pas des plus désagréable.
Alastair Miles est convenable en Oroveso, solide, même si le timbre
reste impersonnel et l'interprétation par trop transparente. Les
seconds rôles sont correctement tenus.
Le choeur du Vocal Ensemble Rastatt est de très bonne tenue,
tout comme l'orchestre. En somme, une intégrale pas absolument indispensable
mais qui se situe, avec des points forts différents, au niveau des
intégrales Scotto (CBS/Sony) ou Sills (EMI).
Le livret de qualité est, hélas, en anglais et allemand
seulement, avec une longue interview de Friedrich Haider (c'est à
la mode), parfois très intéressante. La prise de son est
équilibrée et le live procure un certain sentiment d'urgence
plutôt bienvenu au disque.
Jean VERNE
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