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Henry PURCELL (1659-1695) 

Air Now the night is chac’d away (The Fairy Queen)
Air If Loves’ a sweet passion (Idem)
Air Fairest Isle (King Arthur)
Air Strike the Viol (Come ye sons of art away)
Air instrumental (King Arthur)
Air See, even Night her self is here (King Arthur)
Ouverture – Symphony while the swans come forward (The Fairy Queen)
Lamento de Didon
When I am laid in earth (Dido and Æneas)
An Evening Hymn (Harmonia Sacra)
Air Music for a while (Œdipus)
Chaconne (King Arthur)
Air Hither this way (King Arthur)
Air Shepherd, shepherd (King Arthur)
Third act hornpipe (King Arthur)
Prelude (The Fairy Queen)
Air One charming night (The Fairy Queen)
First Music (The Fairy Queen)
Air How blest are shepherds (King Arthur)
Scene From rosy bowers (Don Quixote)
Trumpet tune (King Arthur)
Air Hark ! The echoing air (The Fairy Queen)

Karina Gauvin, soprano
Les Boréades de Montréal,
Francis Colpron, direction

Enregistré en 2006
ATMA ACD2 2398




Atmopshère, atmopshère


Si vous ne connaissez pas l’artiste, ne vous laissez pas rebuter par le portrait kitsch – pour rester poli – de la pochette. Elle vaut mieux, beaucoup mieux que ça. Karina Gauvin nous offre ici le meilleur récital consacré à Purcell depuis des lustres. Karina Gauvin et Les Boréades, car ils contribuent à part égale à la réussite de cet enregistrement. Trop de récitals enferment Purcell dans un climat, une humeur unique – avec une nette propension à la neurasthénie – et trahissent ainsi le génie protéiforme de ce fabuleux musicien de théâtre. C’est ce qui fait, a contrario, tout le prix de cette publication : les tableaux s’animent, reprennent vie et couleurs, ils révèlent une richesse et une variété d’atmosphère insoupçonnée. Pour ce faire, les musiciens montréalais déploient une finesse d’aquarelliste et une science des éclairages magistrale grâce auxquelles chaque scène retrouve sa puissance évocatrice et sa singularité, une vraie gageure en studio ! Les plages instrumentales ne sont plus des interludes, mais des moments attendus et savourés au même titre que les pièces vocales. Vives et spirituelles, les Boréades excellent dans les pages agrestes, illuminées par des vents enchanteurs, mais savent aussi livrer une gaillarde chaconne du King Arthur.

Certes, la séduction immédiate du timbre, sa plénitude et sa rondeur sur toute la tessiture, l’émission franche et pure grisent déjà l’auditeur guère habitué à tant de luxe dans ce répertoire, mais la soprano canadienne ne cède pas à l’abandon narcissique où versait parfois son album Haendel (ANALEKTA). Chaque air est parfaitement caractérisé, mais aussi revisité, à l’image du célébrissime Music for a while dont elle dévoile sous un jour nouveau la puissance hypnotique. Karina Gauvin est peut-être la première soprano qui réussit à la fois à nous y surprendre et à nous convaincre. Chapeau bas !

Servi par des aigus diaphanes et un art des nuances admirable, One charming night se pare d’une grâce inouïe alors que Strike the Viol vibre d’un chant glorieux – l’antithèse d’un Charles Brett dans la version légendaire de David Munrow. Mais chaque morceau devrait être cité. Ici, une Vénus toute de volupté loue le séjour des plaisirs et de l’amour (Fairest Isle), là coule le lait rassérénant de la tendresse humaine (An Evening hymn) tandis que la Nuit apaise nos alarmes et répand ses pavots les plus assoupissants (See, even Night herself is here le plus ensorcelant jamais entendu). Cette voix de lumière s’enténèbre pour la Mort de Didon et incarne une reine abattue, résignée, sans doute trop pudique pour nous saisir à la gorge, mais d’une émouvante sobriété. L’artiste connaît d’ailleurs ses limites : elle a l’intelligence d’éviter le versant noir et mélancolique du compositeur (Since from my dear Astrea’s Sight ; Here let my life ; The Plaint ; O Solitude ; Oh ! Lead me to some peaceful gloom…) qui s’accommoderait sans doute mal de sa vocalité, sinon de son tempérament.

Au-delà des fans de la chanteuse subjugués par son Alcina parisienne voici quatre ans, les amoureux de Purcell se doivent d’écouter ce disque roboratif et à nul autre pareil.


    Bernard SCHREUDERS

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