Semiramide
Opéra en deux actes
de Gioacchino ROSSINI
Livret de Gaetano Rossi d'après
la tragédie éponyme de Voltaire
Semiramide : June
Anderson
Arsace : Marilyn
Horne
Idreno : Stanford
Olsen
Assur : Samuel
Ramey
Azema : Young Ok
Shin
Oroe : John Cheek
Mitrane : Michael
Forest
Le fantôme
de Ninus : Jeffrey Wells
Choeurs et orchestre
du Metropolitan Opera
Direction : James
Conlon
Mise en scène
: John Copley
Décors :
John Conklin
Costumes : Michael
Stennet
Réalisation
vidéo : Brian Large
(Enregistré
au Metropolitan Opera de New York en décembre 1990)
Un coffret de deux
DVD Arthaus Musik
Durée :
223 minutes
Sémiramis à Hollywood
Anticipant la célébration du bicentenaire de la naissance
de Rossini, Le Metropolitan opera proposait en 1990 une nouvelle production
de Sémiramis, absente de son répertoire depuis près
d'un siècle. Cette captation a déjà fait l'objet d'une
parution en VHS voici une dizaine d'années. Saluons aujourd'hui
son report avantageux en DVD.
Sémiramis fut créée à Venise le 3
février 1823, dix ans presque jour pour jour après Tancrède,
premier triomphe de Rossini dans le genre seria : les deux partitions ne
manquent pas de points communs : même théâtre, même
librettiste, même inspiration (une tragédie de Voltaire).
La seconde constitue un aboutissement : enrichi par son expérience
napolitaine le compositeur signe ici un chef-d'oeuvre absolu en même
temps que son dernier opéra italien.
Régulièrement donné pendant tout le dix-neuvième
siècle, l'ouvrage tombe brusquement dans l'oubli vers la fin des
années 1890. Si l'on excepte une reprise sans lendemain au mai musical
florentin en 1940, c'est à partir des représentations de
1962 à la Scala avec Joan Sutherland qu'il s'impose à nouveau
sur les scènes lyriques internationales. La cantatrice australienne
le défendra régulièrement à travers le monde,
et en gravera la première intégrale discographique sous la
baguette de son époux Richard Bonynge en 1966.
Dans les deux décennies qui suivront d'autres sopranos, et non
des moindres, reprendront le flambeau, telles Montserrat Caballé,
Katia Ricciarelli et June Anderson, principale protagoniste des représentations
new-yorkaises de 1990.
Pour célébrer le retour de la reine de Babylone dans ses
murs, le Metropolitan n'a pas lésiné sur les moyens : l'oeuvre
est donnée dans son intégralité, à quelques
récitatifs près, avec le gratin du chant rossinien de l'époque,
réuni dans une production fastueuse et grandiose. Amateurs de transpositions
iconoclastes ou de relectures décapantes, passez votre chemin :
l'action ne se situe pas pendant l'un des conflits qui agitent régulièrement
le Moyen-Orient, point ici de missiles (1), ni de femmes en petites culottes
(2), pas même le moindre poussin géant
(1) ! C'est plutôt du côté des
peplum
hollywoodiens que lorgne John Copley, d'ailleurs June Anderson avec sa
perruque brune n'est pas sans évoquer Hedy Lamarr dans Samson
et Dalila de Cecil B. de Mille.
Le décor, monumental, s'inspire de la célèbre porte
d'Ishtar en pierres émaillées bleu nuit dont les battants
ornés de bas-reliefs s'ouvrent sur les jardins de la reine nimbés
de lumière rose pendant le "Bel raggio lusinghier", ou sur la salle
du trône au tableau suivant. Sur ce fond obscur se détachent
les costumes aux teintes chatoyantes, clin d'oeil au technicolor des années
cinquante. Sémiramis ne revêt pas moins de cinq tenues différentes
! Son apparition spectaculaire, dans une robe de lumière sur un
trône ailé tout en or qui s'élève sur la scène
au final du premier acte constitue le clou du spectacle.
La direction d'acteurs, sobre pour ne pas dire sommaire, laisse le
chant s'épanouir sans contrainte, et quel chant !
June Anderson au sommet de ses moyens offre au rôle-titre sa plastique
impeccable et livre une interprétation dans la lignée de
Sutherland : vocalises culminant au mi-bémol, trilles, gruppetti,
sa technique sans faille est éblouissante, et l'interprète
ne l'est pas moins comme en témoigne l'électrisant duo du
deuxième acte face à son fils où elle parvient à
se montrer réellement pathétique.
Quel amateur de bel canto ne connaît pas l'Arsace de Marilyn Horne
? Près d'un quart de siècle après sa prise de rôle,
la voix n'a rien perdu de sa vaillance, et c'est à peine si quelques
prudences dans l'aigu révèlent le passage des ans. Celle
que l'on a surnommée "Madame Rossini" n'en livre pas moins ici une
prestation anthologique d'un personnage qu'elle a marqué de façon
indélébile.
C'est en chantant Assur au festival d'Aix en 1980 que Samuel Ramey a
accédé à la gloire internationale. Depuis, il a mûri
son incarnation et les emplois plus lourds qu'il a abordés par la
suite n'ont pas entamé son époustouflante agilité
: sa scène de la folie à la fin de l'opéra demeure
inégalée tant par la perfection de la technique que par l'intensité
dramatique qu'il lui confère. Ses costumes, en outre, qui dévoilent
son torse avantageux, ne manqueront pas de ravir ses admiratrices !
Face à ces "monstres" Stanford Olsen n'est pas en reste : au
premier acte, il affronte le terrifiant "Ah ! dov'è il cimento",
si souvent coupé, avec une facilité déconcertante.
Son timbre agréable et son style accompli font aisément oublier
un physique imposant qui le prive de tout mouvement scénique.
Les seconds rôles -en particuliers l'Oroe de John Cheek- n'appellent
aucune réserve.
On n'attendait pas James Conlon dans ce répertoire : porté
sans doute par ses interprètes qui connaissent leur Rossini sur
le bout des doigts, il dirige cette partition avec vivacité et souplesse,
à défaut de génie, sans alourdir le propos.
Un DVD précieux à placer sur le premier rayon de toute
vidéothèque rossinienne.
Christian Peter
(Dominique Vincent)
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(1),(2) : allusions aux productions de Rinaldo
(Montpellier, Innsbruck) et Don Giovanni (Salzbourg) qui ont fait
couler beaucoup d'encre l'été dernier.
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