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Gioacchino Rossini (1792-1868)
MATILDE DI SHABRAN
Melodramma giocoso en deux actes
Livret de Giacomo Ferretti
Edition critique de la version napolitaine
par Jürgen Selk pour la Fondation Rossini de Pesaro
en collaboration avec Ricordi.
Corradino Cuor di ferro : Juan Diego Florez
Matilde Shabran : Annick Massis
Edoardo : Hadar Halevy
Aliprando : Marco Vinco
Isidoro : Bruno de Simone
Contessa d’Arco : Chiara Chialli
Ginardo : Carlo Lepore
Egoldo : Gregory Bonfatti
Raimondo Lopez : Bruno Taddia
Rodrigo : Lubomir Moravec
Prague Chamber Choir, dir. du chœur : Lubomir Matl
Rosetta Cucchi, pianoforte
Orquesta Sinfonica de Galicia
Dir. musicale : Riccardo Frizza
Enregistré sur le vif à Pesaro en août 2004.
3 CD Decca 475 7688 185 minutes
COUP D’ECLAT
Lorsqu’il crée cette Matilde di Shabran à Rome en février 1821, Rossini a déjà une longue carrière derrière lui : La
Scala di seta, L’Occasione fa il ladro, Il Signor Bruschino,
Tancredi, L’Italiana in Algeri, Il Turco in Italia, Elisabetta,
Il Barbiere, Otello, La Cenerentola, La Gazza ladra, Mosè, La
Donna del lago sont antérieurs. Cette longue liste prouve que Matilde di Shabran
n’est pas l’œuvre négligeable d’un
novice exhumée par la fondation de Pesaro, mais bien au
contraire une œuvre de premier plan dans la production
rossinienne. Il suffit pour s’en persuader d’écouter
un des sommets de la partition : le tendre quintette
« Dallo stupore oppresso » avec délicat
contrepoint des vents, suivi d’une strette endiablée et
jubilatoire.
Les enregistrements de Matilde
n’abondent pas : un « live » avec
Adelaide Negri, ou encore un enregistrement chez Bongiovanni ont connu
une distribution plus que confidentielle. Pour ainsi dire, Matilde n’était pas vraiment au catalogue. Le Barbiere
du ténor maison Juan Diego Florez ayant été
récemment immortalisé en DVD, saluons l’initiative
de Decca qui nous a épargné une énième Italiana ou Cenerentola et nous propose une rareté.
La sortie de ce disque permet à ceux qui ne furent pas du voyage à Pesaro
l’été 2004 ou qui n’entendirent pas la
retransmission radio de découvrir ce bijou, et permet à
tous d’avoir un souvenir enregistré dans les meilleures
conditions. Il s’agit tout d’abord de
l’édition critique de la version donnée à
Naples en novembre 1821, entièrement de la main du Pesarese. De
plus, les cinq soirées ayant été
enregistrées, on imagine que Decca a gardé le meilleur
sans que l’on perde le plaisir d’un enregistrement sur le
vif. Certaines imperfections constatées ponctuellement sur place
ont disparu. Surtout, l’équipe réunie permet de
rendre justice à ce « mélodrame
joyeux ».
L’orchestre et les chœurs se tirent avec satisfaction
d’une œuvre qui est loin d’être facile. Le
jeune chef Riccardo Frizza manque un peu d’expérience pour
faire monter la mayonnaise, mais sa direction est honorable. Les
seconds rôles sont campés avec brio et permettent aux
premiers rôles de resplendir au sein d’une équipe de
qualité.
Chiara Chialli est une comtesse d’Arco piquante dans sa
rivalité avec Matilde. Les propos aigres qu’elles
échangent sont fort amusants. Très drôle
également (et avec l’accent napolitain !) le
poète sans le sou Isodoro interprété par Bruno de
Simone, tout en poltronnerie et fanfaronnade. Une grande composition.
Marco Vinco campe un solide Aliprando, le médecin de
Corradino ; sans atteindre les sommets d’un Ramey, la voix
sonne avec aplomb sur ses deux octaves. Edoardo, rôle travesti et
quelque peu larmoyant, est le seul personnage à se voir
gratifier de deux airs complets. Le timbre de Hadar Halevy n’est
pas des plus charmeurs, mais la mezzo connaît les règles
du chant rossinien et surmonte ces deux airs difficiles.
Corradino est surnommé « cœur de
fer » car il joue au guerrier brutal, insensible au charme
féminin. Mais, touché par l’amour, il tombera sous
la domination de Matilde. Curieusement ce rôle de ténor ne
bénéficie d’aucun air solo, mais que les
admirateurs de Juan Diego Florez se rassurent : tous les duos et
ensembles dans lesquels il intervient, et ils sont nombreux, sont
truffés de difficultés mettant en valeur une voix
insolente. Dès son entrée les traits virtuoses et les
aigus se multiplient. Reconnaissons que nous sommes en présence
d’un ténor aux moyens confondants : timbre,
ductilité, musicalité. Rossini a concocté une
partition diabolique que le ténor péruvien assume
crânement.
Annick Massis rend parfaitement justice au rôle-titre de Matilde,
rusée et émouvante. Elle sait se faire espiègle
quand elle veut amadouer Corradino, émouvante quand celui-ci la
condamne à mort (avant de s’en repentir). Son rôle
n’a rien à envier en virtuosité à celui du
ténor. Il suffit d’entendre le rondo final sollicitant la
voix sur deux octaves et demie. La soprano franchit les obstacles haut
la main. Entendre le ténor et la soprano faire assaut de
bravoure et de variations est un plaisir pour les oreilles.
Grâce à une distribution homogène de premier plan,
ce CD s’inscrit d’emblée comme une
référence qui relègue loin derrière les
rares témoignages antérieurs. Face à la
réussite de ce travail d’équipe, on regrettera de
ne bénéficier que du support CD, quand on aimerait voir
ce qu’on entend. A quand le DVD ?
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