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Richard WAGNER (1813 - 1883)
Die WALKÜRE
(« version originale de 1869 »)
Première journée du festival scénique
Der ring des Nibelungen
Livret original de Richard Wagner
Siegmund, Stuart Skelton
Sieglinde, Deborah Riedel
Hunding, Richard Green
Wotan, John Bröcheler
Brünnhilde, Lisa Gasteen
Fricka, Elizabeth Campbell
Gerhilde, Elizabeth Stannard
Ortlinde, Lisa Harper-Brown
Waltraute, Liane Keegan
Schwertleite, Zan McKendree-Wright
Helmwige, Kate Ladner
Siegrune, Gaye MacFarlane
Grimgerde, Jennifer Barnes
Rossweise, Donna-Maree Dunlop
Adelaide Symphony Orchestra
Asher Fish
Enregistré en public du 16 novembre au 12 décembre 2004
Adelaide Festival Theatre
4 Compacts Discs Melba MR 301091-94
CD 1 : 63’17 – CD 2 : 49’10 – CD 3 : 42’12 – CD 4 : 68’47
La revanche de Siegmund
En novembre 2004, à l’issue des représentations de Der Ring des Nibelungen
à l’Opéra d’Adelaide, les ovations du public
poursuivirent Lisa Gasteen en dehors du théâtre, jusque
dans l’aéroport alors qu’elle tentait de regagner
incognito sa ville natale. Le quotidien The Australian la
sacra dans la foulée l'une des plus fameuses walkyries de sa
génération. C’est dire, deux ans
après, la curiosité gourmande qui accompagne
l’enregistrement public de la première journée du
cycle, celle justement qui fait la part belle à Brünnhilde,
le personnage interprété par Lisa Gasteen.
Hélas, force est de constater une fois de plus le
décalage entre la scène et le disque. Le son privé
de l'image ne produit plus le même effet. Disparus l'engagement,
le charisme, la magie qui apparemment enveloppait la cantatrice au
point de faire prendre le boitement causé par une mauvaise chute
pour un geste scénographique. Brünnhilde se dessine ici
sans charme, lourde, massive, privée de féminité.
La charpente, du grave au medium, demeure solide mais l'aigu vacille.
On regrette alors l'absence de ces flêches dardées qui
frappent en plein coeur ; non pas tant l' « Hoïotoho !
» dont le contre-ut relève de l'anecdote - peu importe
qu'il soit ici comme souvent lancé un peu trop bas - mais
les traits sauvage du duo final, quand la vierge, à bout
d'arguments, abat ses notes les plus hautes comme un joueur de poker
son carré d'as. Lisa Gasteen se montre guerrière
plutôt que femme, barbare finalement, à l'image du Wotan
de John Bröcheler dont le chant fruste ne rend pas mieux justice
au roi des dieux. Tel père, telle fille ; la silhouette semble
là aussi monolithique, l'instrument également instable.
Le baryton néerlandais pousse même le bouchon un peu plus
loin en utilisant, pour tout effort de caractérisation, une
espèce de Sprechgesang qui n'a pas grand chose à voir
avec Wagner. Dans le même (mauvais) esprit, Elizabeth Campbell,
affublée elle aussi d'un large vibrato, propose une Fricka
conforme à la tradition, mégère aux traits ingrats
que rien ne peut apprivoiser. On est loin de la séduction
vénéneuse distillée par Mihoko Fujimura
au Théâtre du Châtelet un an auparavant. Mais le
Walhalla n'est pas seul en mauvais état. Sieglinde, rôle
à l'exigence moindre - un soprano intensément lyrique
suffit à l'habiter - succombe à son tour sous les coups
de Deborah Riedel. La chair de la voix semble flasque et
épaisse, dénuée de l'ardent frémissement
qui nimbe le personnage.
Que reste-t-il alors pour éviter le naufrage ? Le principal
d'abord dans un opéra wagnérien, à savoir
l'orchestre dirigé par Asher Fish dans la droite ligne de Sir
Georg Solti, sans introspection, épique et passionné
avant tout, servi par des cuivres dont l'éclat éclaire
sans aveugler, des cordes soyeuses qui tendent le récit sans le
rompre, une meute de walkyries qui ne hurlent pas et mieux, chantent en
mesure.
Le Siegmund de Stuart Skelton ensuite ; du héros, il
possède le timbre particulier, cet alliage d'or fondu et de
bronze, la clarté du ténor ombré de teintes
barytonales, le souffle inépuisable - ah ! ces «
wälse » qui n'en finissent pas - la vaillance et la
jeunesse. Mais l'interprétation ne se satisfait pas
d'hédonisme vocal ; elle sait aussi traduire le poids du sort
qui s'acharne. Et plus encore qu'à la poésie du
printemps, on s'abandonne au désespoir du duo du deuxième
acte, l'annonce de la mort accueillie avec une douleur
résignée que la noblesse de l'accent transcende.
Il est intéressant de constater comment alors le centre de
gravité de l'oeuvre se déporte, le poids que prend
soudain le premier acte au détriment du dernier, le transfert de
la charge émotionnelle des adieux de Wotan vers l'ultime combat
de son fils. Le héros amorce avant l'heure le crépuscule
des dieux. Et si, à Adelaide, en 2004, le public avait pour
Brunnhilde les yeux de Wotan, on a plutôt, en écoutant cet
enregistrement, pour Siegmund les oreilles de Sieglinde.
Christope RIZOUD
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