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Fritz WUNDERLICH
Leben und Legende
Film de Thomas Staehler
1 DVD DG 00440 073 4202
58 minutes + 49 minutes de bonus
iInterviews et airs de Der Musikmeister (Pergolesi, 1963),
die Zauberflöte (Mozart, juin 1965),
Barcarole (R. Strauss, juin 1965),
Die Verlobung in San Domingo (Egk, novembre 1963),
Eugene Onegin (Tchaikovsky, octobre 1962)
DU SACRÉ EN MUSIQUE
« Freunde, das Leben ist lebenswert »
(« Les amis, la vie vaut le coup d’être
vécue ! ») s’exclame Octavio au premier
acte de « Giuditta » de Lehar que Fritz
Wunderlich a souvent interprété, et avec quelle
vaillance ! La vie, pour lui, fut particulièrement
courte : Fritz Wunderlich aurait eu 76 ans en septembre dernier,
l’âge d’un père ou d’un
grand-père encore bien vert. Mais Fritz Wunderlich est mort il y
a quarante ans, le 17 septembre 1966. Une éternité.
Pour ceux qui n’ont pas pu le connaître de son vivant,
Wunderlich est un paradoxe. Par certains côtés, il
appartient à un autre âge, celui de
l’immédiat après-guerre où le monde lyrique
n’était pas encore globalisé et où
l’on pouvait faire une carrière en restant en Europe,
entre Vienne et Munich. La préhistoire, presque. Mais dès
que l’on glisse un disque dans la platine, la voix de Wunderlich
est là, évidente, immédiatement présente,
comme si l’on redécouvrait en l’écoutant des
pièces pourtant mille fois entendues.
Heureusement, pour un artiste à la carrière si courte,
à peine 10 ans, son importante discographie, dont une toute
petite partie seulement a été
rééditée en CD, permet de mieux connaître
son art. Mais la personne ? La biographie parue en janvier 2005 (1),
sous la plume de Werner Pfister, n’est malheureusement pas
traduite en français et il faudra bien que cette lacune soit un
jour comblée. La Deutsche Grammophon, maison avec laquelle Wunderlich a gravé de nombreux enregistrements,
vient de sortir un DVD qui permet de mieux connaître le
ténor. La démarche est originale et mérite
d’être saluée car il n’est pas évident
que le marché pour ce genre de disque soit
particulièrement large.
Le réalisateur Thomas Staehler offre, en 58 minutes, une
biographie filmée de Friedrich Karl Otto Wunderlich, que tout le
monde appelait « Fritz ». Conçu avec
l’appui de la famille, et notamment de sa veuve, harpiste
qu’il avait rencontrée à ses débuts à
l’opéra de Stuttgart, ce film est original en ce
qu’il utilise des films amateurs tournés par Wunderlich
lui-même, dans ses déplacements, en famille ou avec ses
amis. Et, si les plages musicales du DVD ne sont pas l’essentiel
du disque, c’est bien parce que le film cherche à
démontrer que Fritz Wunderlich était, au fond, un homme
ordinaire exceptionnel. Exceptionnel artiste, et ses camarades, Christa
Ludwig, Anneliese Rothenberger, Hermann Prey, Margarita Zimmermann, le
soulignent tous ; exceptionnel aussi dans le souvenir qu’en
conservent les chanteurs d’aujourd’hui qui disent leur
nostalgie (Thomas Hampson, Rollando Villazon); mais simple dans la vie
de tous les jours. Wunderlich, l’antistar en somme, soucieux de
se ressourcer régulièrement dans ses montagnes du
Palatinat. Peu importe sans doute que Wunderlich ait été
bon père, bon époux et copain fidèle, car
là n’est pas l’essentiel pour un artiste. Mais quand
cette simplicité se traduit par une émission parfaitement
naturelle ou par une sincérité de l’accent jamais
prise en défaut, elle est plus intéressante ! Et
quand ce trait de caractère le conduit à faire des pieds
de nez à Karajan, cela devient même drôle, comme le
raconte le film.
Après les « années de
galère » de Fritz Wunderlich, que l’on imagine
animant les fêtes de village à l’accordéon et
à la trompette pour faire vivre la famille puis se payer sa
formation à Fribourg auprès de Margarethe von Winterfeldt
– prof de chant aveugle qui l’a longtemps -, le film
évoque différentes étapes de sa carrière,
avec souvent des anecdotes savoureuses. Ainsi des débuts dans
Tamino à l’opéra de Stuttgart en février
1956 : le ténor Josef Traxel déclara forfait
à quelques heures de la représentation et Wolfgang
Windgassen, mis dans la confidence, déclina lui aussi pour
donner sa chance à leur jeune collègue ! Le film
montre aussi comment, après un récital de Lieder
donné avec Rolf Reinhardt et plutôt fraîchement
accueilli par la critique, Wunderlich alla trouver le pianiste Hubert
Giesen sur les conseils de Prey ; ainsi naquit une magnifique
relation musicale à l’origine de certains disques magiques
comme les Dichterliebe, chez
DG également. Wunderlich, vedette internationale après
ses débuts à Munich, Salzbourg puis Vienne (où il
créa le rôle de Palestrina dans l’opéra de
Pfitzner en 1964), participa à de nombreuses captations pour la
télévision et, même si, dans ces drôles
d’exercice, son jeu est moins spontané que sur
scène où il était un acteur né, ces
documents restent extrêmement précieux.
Alors, bien sûr, le film aurait pu davantage s’attarder sur
le travail de la voix, sur le choix du répertoire, sur ses
relatifs échecs dans le domaine de l’opérette
viennoise où Richard Tauber et d’autres
s’étaient illustrés quelques années avant.
Bien sûr, aussi, le réalisateur aurait pu faire
l’économie de l’assez grotesque reconstitution des
dernières heures de Fritz Wunderlich, tombé dans
l’escalier de la maison de chasse d’un de ses amis,
où il s’était retiré pour
décompresser, à quelques semaines de ses débuts au
Met, dans Don Ottavio.
Mais l’émotion est là. Les images de
l’amitié de Fritz et de Hermann Prey, ou celles du
ténor jouant avec ses enfants, éclairent sous un autre
jour la voix magique du ténor. Et font encore plus vivement
ressentir l’injustice d’une mort prématurée,
à 36 ans.
Le film est complété par une série
d’interviews qui n’apportent pas grand-chose et par cinq
airs, seulement, que l’on aurait aimés beaucoup plus
nombreux.
A quand un autre DVD consacré au « wunderbaren Wunderlich » ?
Jean-Philippe THIELLAY
Note
(1) « Fritz Wunderlich, eine Biographie », éd. Schott, Mainz
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