Oeuvre de Gaetano Donizetti - n°2
Un dossier proposé par Yonel Buldrini
 
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  Le Nozze in Villa


Le volume déjà cité de la Garzanti écarte également ce livret mais William Ashbrook résume l’intrigue et l’infatigable donizettien Jeremy Commons la décrit plus dans le détail dans son article accompagnant l’enregistrement Opera Rara. En voici les éléments principaux : Claudio (ténor), riche propriétaire campagnard est amoureux de Sabina (mezzo-sop.) mais Trifoglio (basse bouffe), l’instituteur du village, est également prétendant et c’est lui que préfère Petronio (basse), le père de la jeune fille. Anastasia, la grand-mère de Sabina la surprend en train de contempler un portrait en miniature de Claudio et pour éviter de reconnaître qu’elle a un soupirant, Sabina déclare que le portrait est celui du roi. Lorsque Claudio apparaît à la fin du premier acte, Sabina tombe à genoux devant lui et tous les autres personnages font de même. Embarrassé, Claudio doit les détromper, ce qui attire sur Sabina la colère des autres la traitant de menteuse.

Au début de l’acte II, on voit Claudio demander la main de Sabina à Petronio mais la scène donne lieu à un beau quiproquo : leur Terzetto est le passage enregistré par Opera Rara.

Un charmant Arioso nous surprend par sa grâce chaleureuse : les voix se superposent avec leur différente ligne vocale. C’est le moment de contentement général : Claudio énonce les mérites de Sabina (mais Petronio croit qu’il souligne ainsi à quel point elle convient à Trifoglio !) et Sabina décrit son amour pour Claudio mais son père, persuadé qu’elle parle de Trifoglio, se montre satisfait de leur accord à tous les trois !

Un beau Larghetto se déploie alors, unissant les deux amoureux en une douce extase à laquelle ils n’osent croire. En contrepoint, Petronio s’étonne de les voir ainsi « come stupidi…! », comme hébétés, frappés de stupeur.

Lorsque Claudio et Sabina reprennent ensemble les paroles : « Oh come palpita / in sen quest’anima ! » (point n’est besoin de traduction !), on atteint le sommet du trio et Donizetti nous donne une perle de son génie, moment de grâce ineffable : une phrase musicale descendante, pour ainsi dire, typique de son style, en 3/4, irrésistible de séduction donizettienne !

La Scena dissipe le malentendu car Petronio prononce le nom de Trifoglio et face à la stupeur des deux autres, s’exclame :

« Oh !  je parle donc turc maintenant ?
Oh, elle est bien bonne celle-là, ma foi ! »

Les deux tourtereaux doivent se rendre à l’évidence et Claudio se désespère tandis que Sabina s’oppose vivement à son père qui ne cède pas.

La Stretta comporte un crescendo qui commence à la manière de ceux mis en vogue par Rossini mais se poursuit de manière inattendue, avec un élan, une véhémence complètement (déjà !) donizettiens.

L’opéra se poursuit par un tendre tête-à-tête entre Sabina et Claudio… interrompu par Trifoglio qui vient dédier une sérénade à celle qu’il aime ! 

Non au bout de ses peines (méritées), Trifoglio apprend de Petronio que la dot de sa fille ne consiste pas en argent comme il l’espérait, mais en un droit de noblesse, un article vestimentaire appelé « circassié »[1], cinquante-huit perruques, un  globe aérostatique (?!), une clef pour deviner les numéros gagnants dans une loterie, six douzaines de paires de lunettes, trois flasques et deux lanternes.

Il n’est pas besoin de préciser, remarque J. Commons avec humour, que Claudio obtient la main de la demoiselle alors qu’il l’accepte sans dot !

A la fin de l’année 1819, Gaetano écrivit à nouveau pour la compagnie Zancla basée cette fois au Teatro San Samuele de Venise. Le sujet inaugure la longue liste des opéras de Donizetti tirés de pièces françaises secondaires comme ce Menuisier de Livonie d ‘Alexandre Duval, adapté en livret par le marquis Gherardo Bevilacqua  Aldobrandini, aristocrate bolognais, lettré dilettante et peintre, dont Gaetano fit peut-être la connaissance durant son séjour à Bologne. Il est connu pour avoir adapté le livret de Felice Romani Il Califfo e la schiava (mis en musique par le compositeur Francesco Basily), en Adina ovvero Il Califfo di Bagdad pour Rossini. Il a participé au livret de Edoardo e Cristina destiné au même Rossini, et écrit un trio à ajouter à la Semiramide de ce dernier.

En ce qui concerne ce Pietro il Grande, le marquis aurait puisé, paraît-il,  dans Il Falegname di Livonia que Felice Romani écrivit pour Giovanni Pacini. L’œuvre ayant remporté un beau succès quelques mois plus tôt, on pense que pour cette raison, ceux qui montèrent l’opéra de Donizetti par la suite, adoptèrent ce titre au lieu de l’original Pietro il Grande, czar delle Russie.

Le marquis avait ajouté une préface, jugée par le volume Tutti i libretti di Donizetti comme « un étrange autant qu’inutile (vu le sujet) sermon » et certes, établie pour se couvrir, comme l’on dit, mais reflétant les goûts de l’époque, d’autant qu’elle s’adresse directement au « Romantisme » ! 

« Ne t’occupe pas de me lire avec attention, énonce le marquis, mais contente-toi plutôt de m’entendre au Théâtre, où les mérites de la Musique et de ceux qui l’exécutent pourront me vêtir de qualités non méprisables et me rendre moins indigne de ton indulgence (…). Tu dois donc, ô Romantisme, t’adapter généreusement à ce qui t’est offert sans prétentions de gloire mais à seule fin de divertissement ».

A propos de Pietro il Grande, William Ashbrook pense qu’il s’agit de sa « partition la plus solide créée jusqu’à ce moment » et il en donne comme preuve les différentes reprises effectuées à Bologne (saison 1823-24), Vérone (1825), Padoue (1826), Venise (Teatro San Benedetto, 1827) et Spolète (1829).

Parmi les passages offrant un intérêt particulier, il évoque une « Introduzione multiformes » commençant par un chœur, suivi du récitatif du héros, Carlo, et d’une tendre phrase en larghetto reprise par Annetta. Ce « larghetto se prolonge en duo avec effets d’écho et l’Introduction se conclut en reprenant la mélodie du début. », l’explication du donizettien américain donne envie de connaître ce morceau qui semble charmant… d’autant que William Ashbrook précise que Donizetti utilisera rarement ce procédé consistant à sertir une Introduction avec le même motif musical (en son début et à sa fin).

De son côté, Guglielmo Barblan observe que dans Pietro il Grande, « là où le chant se fait moins ornementé et plus lyrique et lorsque les paroles évoquent les sentiments humains, voilà que la mélodie devient pathétique et même bouleversante ». Il donne comme exemple le duo Carlo-Madama Fritz du premier acte dans lequel un passage « se colore du caractéristique timbre donizettien comble de nostalgie, presque une réminiscence d’images secrètes et lointaines. »

G. Barblan va même jusqu’à analyser la qualité des récitatifs qui, « procédant pourtant par des formules d’usage, aussitôt que se présente l’appel à un sentiment, prennent immédiatement la nuance d’une ligne de chant [cantabilità] sobre, laquelle, même au cours de peu de mesures, fait instantanément impression chez celui qui écoute. »

On en connaît aujourd’hui l’ouverture, incluse dans le volume premier des CD consacrés par la firme Bongiovanni aux “Sinfonie” de Donizetti[2], et la première partie d’un sextuor de l’acte II, enregistré par Opera Rara dans son anthologie déjà mentionnée A Hundred Years of italian opera : 1810-1820.

Yonel Buldrini


[1] Probablement corruption de « circassienne », tissu de laine croisée et de coton (Larousse).

[2] Bongiovanni (GB 2049-2), avec un commentaire musical de Fernando Battaglia.

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