Forum Opéra LE MAGAZINE DE L'OPÉRA ET DU MONDE LYRIQUE
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L'édito...
Sylvain FORT
Septembre 2005 |
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Les tragiques faits divers de l’été nous ont apporté une troublante métaphore. Nous avons vu ces riverains traumatisés contempler les flammes venues lécher les murs de leur masure. Nous avons vu les pompiers, vaillants comme toujours, recommencer sans cesse leur labeur dans l’adversité la plus étouffante. Nous avons vu des pans de maison s’effondrer. Des patrimoines s’écrouler. Et nous avons vu, enfin, les Canadair s’écraser sur les incendies qu’ils devaient éteindre, aviver et rendre plus mortel encore ce qu’ils auraient dû juguler. Ainsi en va-t-il de l’opéra. Maint artiste encore lutte pour que se maintiennent l’art du phrasé, le sens de la plastique orchestrale, le secret de l’articulation, les délicatesses de l’accent, les sortilèges du son, les enchantements des machineries, les séductions de la grande ligne, les trésors de l’attention et de l’écoute, les mystères de la tradition ménageant seuls les promesses de l’avenir. Ce combat recommence chaque jour contre ces vastes brasiers que sont le bruit ambiant, la pacotille, la consommation rapide, le foutisme sonore, la laideur et la médiocrité satisfaite, l’oubli et le saccage. Nous sommes ces modestes riverains qui apportent leur concours avec leurs petits seaux d’eau percés. Et puis, régulièrement, les Canadair qui semblaient devoir apporter leur soutien décisif viennent en un crash spectaculaire alimenter les flammes de l’incendie : chanteurs courts de souffle, metteurs en scène abonnés à la hideur, chefs routiniers ; mais, bien pire encore, directeurs choisis pour leur incompétence, subsides publics accordés sans discernement, décisions politiques absurdes. Le Canadair va-t-il s’écraser sur l’Opéra-Comique en organisant la venue à sa tête d’un amuseur-ferblantier ou d’un simple administrateur ? Ou bien va-t-il apporter sa contribution salvatrice et parachuter le Super-Pompier dont cet honorable établissement a besoin ? La scène parisienne va-t-elle faire les frais du pompier pyromane que sait être Monsieur Mortier, et laisser une odeur de cendres où l’on voulait faire planer un parfum de soufre ? La Scala de Monsieur Lissner saura-t-elle trouver, derrière une programmation convenue, les ressources d’une reviviscence succédant à une étrange déflagration ? Les majors sauront-elles ne pas ajouter à la catastrophe le charbon noirâtre de leurs cross-overs, sopranos aux gros seins, intégrales bâclées ? Au sein de ces inquiétudes fuligineuses, une lumière faiblement s’allume. Bientôt, elle brillera de mille feux. Dans quelques mois, en effet, nous entrerons dans l’Année Mozart. Comment ne pas espérer que les flots de beauté alcyonienne alors répandus sur le monde apportent quelque baume à cette planète ? corrigent le cœur des méchants ? apaisent la hargne des avides ? ouvrent l’esprit des butés et tempèrent l’humeur des frustrés ? illuminent les gouvernants et rassérènent les gouvernés ? consolent les malheureux et attendrissent les puissants ? confondent les mesquins et apprivoisent les brutes ? imposent silence aux flatulences verbales du présidence américain ? L’ONU imposera-t-elle que pendant trois minutes, le monde fasse silence et écoute ces simples mots : « In diesen heil’gen Hallen… » ? Amadeus est de retour. Et il a du boulot.. Sylvain FORT
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