C’est sur une énième adaptation des inépuisables Métamorphoses d’Ovide par le librettiste Philippe Quinault pour leur troisième collaboration commune, que Jean-Baptiste Lully présente voici tout juste 350 ans à la Cour sa nouvelle tragédie en musique, Thésée.
La création a lieu dans la Salle des Ballets du château de Saint-Germain en Laye, cher à Louis XIV qui y était né, et qui assiste à ce spectacle « total » comme aurait dit Wagner, puisque mêlant théâtre, chant, danse et moyens techniques assez nouveaux à l’époque avec machineries et changements de théâtre, dont Lully fera sa marque de fabrique. C’est l’Italien (à peine naturalisé français, tout comme Lully l’avait été d’ailleurs) Carlo Vigarani, intendant des menus-plaisirs du roi (si, si) depuis presque 15 ans, mais surtout ingénieur en machines de théâtre qui conçoit alors les dernières pour ce spectacle. On voit alors de multiples vols de fantômes et d’esprits, l’embrasement de palais et autres changements de décors spectaculaires.
En cinq actes comme il se doit alors, l’oeuvre est très bien accueillie et rencontre un grand succès, après sa création publique à Paris, au théâtre du Palais-Royal au mois d’avril suivant. « Il y a un opéra tout neuf qui est fort beau » écrit Madame de Sévigné. Et les éloges se poursuivront longtemps après, au fur et à mesure des reprises de la partition, un siècle encore après sa création, qui donneront lieu à bien des évolutions de toutes sortes, texte comme musique.
Thésée sera le dernier opéra de Lully représenté au XVIIIè siècle, avant de disparaître des affiches pendant deux siècles. C’est dire la réputation de cet opéra et l’intérêt du public – pourtant bien différent qu’à la création – pour cette oeuvre importante, au point qu’il réclame à grand bruit lors de sa dernière reprise de revenir à la musique de Lully et d’écarter que Mondonville avait entrepris d’écrire sur le livret de Quinault à la place.
Il faut dire que le livret était malléable dès le départ, Ovide ayant bon dos et ne fournissant qu’une toile de fond assez lointaine, consacrée à la jeunesse de Thésée, puisqu’il s’agit surtout de glorifier les victoires du roi en pleine guerre contre les Provinces Unies, ce qui pousse à mettre en musique des scènes qui y renvoient (siège d’Athènes, victoire du héros etc.).
Redécouvert à la fin des années 1980, l’opéra a donné lieu récemment à un enregistrement remarquable chez Aparté, sous la direction de Christophe Rousset, avec, notamment Karine Deshayes en Médée et Thaïs Raï-Westphal en Dorine.