À l’automne 1774, le patron du théâtre de la Cour de l’électeur Maximilien III-Joseph de Bavière, Joseph von Seeau, commande au jeune Mozart, 18 ans, un nouvel opera buffa pour le carnaval 1775. Pas besoin de chercher un livret, l’impresario en a déjà un : celui un temps attribué à Calzabigi, un temps à Petrosellini, et déjà mis en musique avec un très grand succès par Pasquale Anfossi à Rome quelques mois auparavant : la Finta Giardiniera (la fausse jardinière).
Il est assez évident que Mozart connaît la partition de son aîné, car durant la construction de sa propre partition, entre octobre et décembre, il s’en inspire assez nettement, sans la plagier pour autant. Moins « bouffe » que celle d’Anfossi, l’œuvre de Mozart prend des teintes plus dramatiques, ce qui est assez paradoxal, puisque lui-même écrit qu’il s’agit d’un opera buffa alors qu’Anfossi appelait sa propre œuvre dramma giocoso. Leur point commun n’en reste pas moins un livret généralement jugé absurde, déséquilibré et sans caractère.
Mozart quitte sans déplaisir la Cour mortifère de l’archevêque Colloredo à Salzbourg, avec son père Léopold, début décembre. Colloredo n’apprécie guère le jeune compositeur, qu’il considère comme un domestique, mais le prête à son puissant voisin sans trop discuter, offrant l’occasion d’une respiration de plusieurs mois à Mozart qui ne manquera pas d’en profiter. À Munich, les répétitions débutent au Salvator Theater à la toute fin du mois de décembre et se passent fort bien. Léopold raconte ainsi à sa femme restée à Salzbourg que tout est si bien reçu qu’on repousse même la création, initialement prévue le 5, au 13 janvier. C’est Wolfgang qui écrit à sa mère le lendemain : « Dieu soit loué ! Mon opéra est monté en scène hier, le 13, et il a eu un tel succès que je suis dans l’impossibilité de décrire à maman tout le tumulte. D’abord, tout le théâtre était tellement plein que bien des gens furent obligés de s’en retourner. Après chaque aria, ce fut chaque fois une tempête d’applaudissements et de cris : « Viva Maestro !». Son Altesse la Princesse-électrice et son Altesse la Princesse-douairière, qui étaient vis-à-vis de moi me disaient aussi bravo. Après que l’opéra fut terminé, et pendant le moment de repos qui le sépare du ballet, ce furent encore des bravos et des applaudissements sans fin (…). Après cela, je suis allé avec papa dans une salle prévue pour le passage du Prince-électeur et de toute la Cour. J’ai baisé la main de leurs Altesses royales, le Prince-électeur et la Princesse-électrice, et des autres nobles, qui furent tous des plus grâcieux (…) ».
Pour grand qu’il soit, et même s’il semble que Mozart l’exagère un peu, le succès ne dure pas : il n’y aura que trois représentations, peut-être dues au fait que l’une des chanteuses principales tombe malade et qu’on commence à modifier la partition pour sa remplaçante, par ailleurs jugée très mauvaise par Léopold. Une partie de la presse salue néanmoins le génie de Mozart après avoir entendu l’œuvre, qui continuera à vivre sa vie plutôt bien pendant plusieurs décennies, mais d’abord dans une version Singspiel en allemand réalisée par Mozart en 1779. L’œuvre ne sera d’ailleurs longtemps connue que sous cette forme, sans l’acte I, qui ne sera retrouvé, permettant de reconstituer la partition, et son texte en italien, que deux siècles plus tard.
En voici un large extrait de l’acte II, au festival d’Aix-en-Provence en 2012.