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14 novembre 1774 : Naissance d’un oubli

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14 novembre 2024

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Certes, le titre de cette petite chronique est un peu excessif, convenons en. On ne l’a pas totalement oublié, Gaspare Spontini. Voyez, l’Opéra de Paris a fini par monter récemment sa Vestale, certes pour la première fois… depuis très longtemps ! Mais ce chainon indispensable qui mène au Grand Opéra, comme on appellera ce style incarné notamment par un Meyerbeer, n’est pas celui qui sera spontanément cité parmi les grands compositeurs lyriques du début du XIXè siècle. Même son compatriote et rival Cherubini l’a (un peu) supplanté dans la mémoire collective, et ce bien que les deux aient une rue à leur nom à Paris, bien éloignée l’une de l’autre. Et puis Spontini n’a-t-il pas son buste sur la façade de l’Opéra Garnier ?

Pourtant, le petit Gaspare n’est pas promis à une carrière de compositeur, après sa naissance voici 250 ans à Ancône, capitale des Marches sur la côte adriatique. C’est la tonsure qui l’attend plus sûrement dans cette place importante des Etats du pape, lui qui vient au monde dans une famille modeste. Mais par chance, dans les églises, il y a souvent des orgues et l’instrument le fascine. Il se détourne donc des ordres et file à 19 ans à Naples pour étudier avec Piccinni et Cimarosa et au Conservatoire della Pietà dei Turchini, où les choses ne se passent pas extraordinairement bien, Gaspare aimant faire le coup de poing avec ses camarades, prémices d’un caractère ombrageux et batailleur, voire violent.

Il s’essaie alors au genre buffa avec une première oeuvre montée à Rome en 1796, I Puntigli delle donne, puis au seria avec Il Teseo riconosciuto . Même s’il réussit à l’évidence mieux dans ce genre, il écrira plusieurs partitions dans le registre comique et continuera après son installation en France à partir de 1803, en épousant la tradition bien implantée des opéras-comiques. C’est qu’il est à l’étroit dans le costume hérité du XVIIIè siècle et rêve d’un style nouveau. De ce point de vue, ses propres aspirations artistiques et les nouveautés issues de la Révolution en termes d’utilisation de l’orchestre et des masses chorales se rejoignent bientôt et Spontini en propose une première synthèse de son cru en 1806 avec une cantate, L’Eccelsa gara, flagornerie musicale adressée à l’Empereur qui lui vaudra une nomination à la tête de la musique de l’impératrice Joséphine, qui n’aura de cesse de le protéger contre ses rivaux puissants Grétry, Méhul, Lesueur ou Cherubini. C’est d’ailleurs elle qui impose le choix de son nouvel opéra La Vestale en 1807, énorme succès public et critique qu’il réitèrera deux ans plus tard avec Fernand Cortez. Couvert d’honneurs, le voici patron du Théâtre-Italien, où il fait donner Don Giovanni pour le première fois en langue originale. C’est là qu’il cherchera à créer son Olympie, considérée comme sa meilleure partition, mais qui fait un four en 1819. L’Empire avait vécu et son étoile avait pâli.

Spontini quittera alors Paris pour Berlin afin d’y faire avancer ses idées novatrices pour l’opéra. Il y est nommé kapellmeister et y crée son dernier grand chef d’oeuvre Agnes von Hohenstaufen en 1829. Mais il est désormais rattrapé par ses confrères, et notamment par Meyerbeer qui lui chipera sa place en 1842. Entretemps, le Grand Opéra a triomphé, particulièrement en France. Si bien que, dépité de tomber déjà dans l’oubli dès avant sa mort en 1851, Spontini regrettera que toutes ses idées aient été « pillées » par les autres. C’était peut-être se donner beaucoup d’importance, mais le fait qu’il était très respecté de Berlioz ou de Wagner. Le premier lui consacrera un long et bel article dans le Journal des Débats après sa mort en 1851. Il y écrira notamment en conclusion : « La foule inintelligente, frivole ou grossière, l’abandonne aujourd’hui et refuse ou néglige d’y sacrifier ; mais pour quelques uns, artistes et amateurs, plus nombreux encore qu’on ne paraît le croire, la déesse à laquelle Spontini éleva ce vaste monument est toujours si belle, que leur ferveur ne s’attiédit point. Et je fais comme eux : je me prosterne et je l’adore. »

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