Après le succès de son opéra réputé le plus réussi jusqu’alors – Der Wildschütz, créé en 1842 – Albert Lortzing entreprend l’adaptation d’une nouvelle qui lui avait fait forte impression, qui avait déjà inspiré E.T.A. Hofmann quelques années après sa publication et qui inspirera dans divers modes bien d’autres écrivains (d’Andersen à Giraudoux) et compositeurs, jusqu’à l’immortelle Rusalka de Dvořák : Undine de Friedrich de la Motte-Fouqué. Contrairement à ce que laisserait entendre son nom, La Motte-Fouqué, disparu en 1843, était un ancien officier prussien qui avait choisi la littérature et dont le conte Undine est resté l’œuvre la plus populaire.

En 1844, Lortzing est nommé directeur musical de l’opéra de Leipzig et c’est là qu’il entreprend d’écrire son nouvel opéra (livret compris), achevé à la fin de l’année. Cependant, son propre théâtre ne veut pas de la partition et il ne s’agit là que l’une des multiples déconvenues que rencontre le compositeur après sa nomination, qui conduiront bientôt à son départ prématuré de l’institution. Il propose donc son nouvel opéra à Hambourg, qui tergiverse, puis accepte mais prend du retard et c’est le Stadtheater de Magdebourg qui rafle l’opportunité de créer la partition, voici 180 ans ce 21 avril. Hambourg embrayera quelques jours plus tard et dans les deux cas, le succès est très grand. Leipzig consentira à la reprendre un an plus tard après quelques retouches apportées par Lortzing, souvent insatisfait de ses réalisations, avant d’être présentée dans sa version définitive au Theater An der Wien, dont Lortzing était devenu entretemps le directeur musical, en octobre 1847.
L’intrigue d’Undine suit le récit de La Motte-Fouqué, mais Lortzing intègre à cet opéra qui hésite entre singspiel fantastique d’inspiration wébérienne et opéra romantique (Lortzing l’appelle « Opéra romantico-fantastique »), des personnages comiques qui peuvent paraître un peu incongrus (quoi que Dvořák ne sera pas si loin avec le Garde-Chasse et le Cuistot de Rusalka) et un happy end qui ne figure pas dans l’œuvre originale, puisque l’Ondin, ému par l’amour sincère que porte le chevalier Hugo à sa fille Undine, finit par accepter leur union.
Petit bijou de délicatesse clair-obscur, Undine n’est presque plus jamais donné, même en Allemagne. Pourtant, il mérite le coup d’oreille ! Parmi les enregistrements qui nous sont parvenus, celui dirigé par Robert Heger en 1966 bénéficie d’une distribution stellaire (Rothenberger, Gedda, Prey, Schreier, Frick… excusez du peu !) : en voici la fin du troisième acte avec l’admirable déploration de l’Ondin, ici appelé Kuhleborn et interprété par le grand Hermann Prey.