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23 décembre 1893 : gloire à l’opéra-nougatine !

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23 décembre 2023

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Si vous avez déjà tenté de rechercher Engelbert Humperdinck sur un moteur de recherche surpuissant bien connu, à peine aurez vous tapé son prénom que votre aide préféré vous fera apparaitre votre recherche. Quelle ne sera pas votre déception (peut-être !) lorsque vous découvrirez le visage très seventies d’un crooner britannique (tout à fait obscur pour votre serviteur) qui a choisi le nom d’Engerbert Humperdinck comme pseudonyme alors qu’il se nomme Arnold George Dorsey, et dont on apprend au passage qu’il a tout de même vendu 140 millions d’albums et qu’il fera une grande tournée d’adieux l’an prochain (il a 87 ans…).

Je n’ai aucune idée des raisons pour lesquelles cet artiste a choisi ce nom de scène plutôt qu’un autre, mais il a réussi à occulter le compositeur qui nous intéresse aujourd’hui jusque sur internet. Il n’a vraiment pas de chance, ce pauvre Engelbert Humperdinck (le vrai), disparu en 1921 (15 ans avant la naissance de son avatar crooner). Il a fallu que ce soit son nom que Dorsey choisisse pour relancer sa carrière… et enterrer un peu plus le souvenir du précédent.

Car il en va d’Humperdinck comme de Catalani ou Mascagni : il est comme eux condamné à n’être le compositeur que d’une seule oeuvre.

A la fin du XIXè siècle, Humperdinck est pourtant un personnage relativement renommé. Il a été l’assistant de Richard Wagner à la toute fin de la vie de ce dernier, lequel inspirera très fortement sa propre production musicale. Celle-ci comptera plus de 200 oeuvres, dont 6 opéras. En 1890, cet ancien élève du Conservatoire de Cologne devient à 26 ans lui-même professeur au Conservatoire Hoch de Francfort et va ainsi asseoir une solide réputation de pédagogue. C’est là, à Francfort, que sa soeur Adelheid Wette, elle-même actrice et compositrice, lui parle d’un conte très fameux des frères Grimm, dont elle a tiré un argument pour un opéra. Il s’agit d’Hänsel et Gretel, inusable tube des histoires au coin du feu pour les enfants au soir de Noël. Au début, il ne s’agit d’ailleurs rien d’autre que de cela : une petite mise en musique de quelques chansons pour le cercle familial. Mais à partir de là, le projet grandit, jusqu’à devenir une trame d’opéra en bonne et due forme à laquelle Humperdinck commence à travailler en décembre 1890. Il ne le termine que trois an plus tard et n’a pas de mal, par son renom et par le fait qu’il a accompagné Wagner dans ses derniers voyages, à attirer l’attention des disciples de la figure tutélaire de Bayreuth comme Hermann Levi, Felix Mottl ou d’autres figures montantes de la scène musicale allemande, comme Richard Strauss.

C’est ce dernier qui emporte le morceau pour l’opéra de Weimar, dont il est le jeune patron depuis 4 ans fin 1893. Strauss est en effet séduit par l’habile mélange que réussit Humperdinck entre l’héritage wagnérien et l’emploi de thèmes folkloriques. La création, voici 130 ans, n’est pas allée de soi, comme souvent. La première Hänsel -rôle travesti- qui n’est autre de Pauline de Ahna – future Mme Strauss – se casse la cheville juste avant la première et ne réapparaitra que quelques représentations plus tard. Par ailleurs, la création a lieu sans l’ouverture, qu’Humperdinck n’a pas tout à fait terminée (épidémie courante à l’opéra !). Mais qu’à cela ne tienne, le succès est au rendez-vous et l’oeuvre est immédiatement reprise partout en Allemagne,  en Europe puis dans le monde, jusqu’au Teatro Colón à Buenos-Aires sous la direction de Toscanini.

Cet opéra-conte de fées (Märchenoper) est depuis devenu un tube de Noël repris très régulièrement un peu partout, avec ses enfants astucieux, ses personnages féériques, sa maison en pain d’épices et en nouagatine et sa sorcière plus bête que gloutonne. La musique d’Humperdinck, elle-même féérique et d’une grande maîtrise, mérite mieux que sa relégation dans la catégorie des habiles faiseurs. On y entend une vraie science de l’orchestre, un travail méticuleux des couleurs et des ambiances pour les voix (jusqu’aux cris des sorcières qui rappelleront peut-être – en la singeant – une autre célèbre chevauchée musicale…). La partition séduit ainsi petits et grands car s’y succèdent tous les ingrédients du conte des frères Grimm, de la fée Rosée au marchand de sable, avec une sorcière un brin déjantée qui danse et chante tout en faisant rôtir les enfants. L’histoire de l’Opéra ne manque pas de sorcières, mais on trouve plus rarement des maisons en pain d’épices !

A la fin c’est la vilaine qui finit gros gâteau, comme on le voit dans cette production du Metropolitan Opera il y a quelques années avec une mise en scène pleine d’inventions signée Richard Jones et merveilleusement dirigée par Vladimir Jurowski. On y trouve par exemple, comme ici, de très belles images, très inventives, du rêve que font les enfants endormis dans la forêt. C’est d’ailleurs -innovation amusante- l’immense et regretté Philip Langridge qui y tient le rôle de la sorcière et se prête avec gourmandise aux pitreries effrayantes de l’affreuse rôtisseuse.

Humperdinck essaiera bien de pousser son avantage et sa science orchestrale encore plus loin dans son Königskinder bien plus tard, mais sans retrouver les clés de son premier et dernier grand triomphe.

Joyeuses Fêtes à tous !

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