Vincenzo Bellini s’est installé en 1833 boulevard des Italiens à Paris, comme de juste, et mène une vie mondaine pour laquelle ce dandy plutôt bien fait de sa personne (le « soupir en escarpins », c’est lui !) fait merveille.
Sans doute à l’instigation de Rossini, le directeur du théâtre italien Carlo Severini lui passe commande d’un opéra dont le livret est confié à un aristocrate exilé, Carlo Pepoli et vise à adapter « Têtes rondes et cavaliers » de Saintine, qui deviendra I Puritani – Les Puritains- dont Bellini compose la musique entre avril et novembre 1834.
La création, voici 190 ans, est elle même très mondaine, avec la fameuse Grisi dans le rôle d’Elvira. C’est un triomphe délirant, qui s’étendra vite à toute l’Europe et même aux Amériques. Mais Bellini n’en profitera pas, il mourra en quelques semaines, au mois de septembre suivant à Puteaux, foudroyé à 33 ans par une inflammation aiguë de l’intestin et d’une tumeur au foie, si bien que certains ont pensé qu’il avait été empoisonné (c’est qu’il n’avait pas que des amis…).
Le livret de l’opéra est tout aussi invraisemblable que la majorité des autres livrets des autres opéras de l’époque. Petit rappel : pendant la guerre civile entre les Stuart et les puritains de Cromwell, on doit marier Elvira, fille de Lord Walter Walton, puritain, avec Lord Arthur Talbot, partisan des Stuart. Elvira est heureuse car elle ne voulait pas épouser le fidèle puritain Richard Forth, rassurée sur ce point par son oncle George Walton, qui a convaincu son frère. Mais Arthur apprend que Lord Walton doit ramener à Londres une prisonnière d’Etat dont il découvre qu’il s’agit de la reine Henriette, veuve du roi décapité Charles Ier. Il jure de la sauver, même au prix de son mariage. Il pense la faire fuir déguisée avec le voile de la mariée mais son projet échoue car Richard vient le provoquer en duel, n’arrivant pas à accepter le mariage. La reine Henriette, s’interposant, révèle son identité. Richard les aide à s’enfuir, persuadé qu’il pourra ainsi confondre Arthur aux yeux des Walton et surtout d’Elvira. ll montre à cette dernière qu’Arthur et une femme fuient au loin, ce qui fait perdre la raison à Elvira (un grand classique). Elle erre, hagarde, habillée en mariée dans le château, tandis qu’on annonce que Arthur a été condamné à mort par le Parlement de Londres. Elvira sombre dans une folie qui la dévore.
3 mois plus tard, Arthur a échappé à ses ennemis et cherche à revoir Elvira. Il lui explique qui était la femme avec laquelle il s’était enfuie, mais l’arrivée des gardes emmenés par Richard refait sombrer Elvira qui se souvient qu’Arthur a été condamné à mort. Elle veut mourir avec lui, ce qu’Arthur essaie d’empêcher. Mais soudain, alors que tout semble perdu, un messager porte l’annonce de la victoire des Puritains et de l’amnistie générale. Les deux amants peuvent donc s’unir.
L’histoire est certes très capillotractée, mais la musique est garnie de joyaux typiquement belliniens, avec un génie mélodique qui est sa marque de fabrique. C’est sa partition sans doute la plus complexe, un chef d’oeuvre du belcanto.
En voici un exemple parmi tant d’autres, avec le finale de l’opéra, précédé du beau « Credeasi, misera » et son fameux et redoutable contre-fa, ici dans excellent enregistrements de l’oeuvre.