Le dramaturge Philippe Quinault, tout juste reçu à l’Académie française, débute sa première collaboration avec le compositeur florentin Jean-Baptiste Lully avec la tragédie-ballet Psyché, co-réalisée avec Molière et Corneille, en 1671 et suivie de la pastorale Les Fêtes de l’Amour et de Bacchus peu après. Les deux hommes se retrouvent ensuite pour leur première tragédie lyrique commune, pour laquelle Quinault s’inspire des Métamorphoses d’Ovide, Cadmus et Hermione.
Jetant les bases d’un style que Lully portera aux sommets pendant les quinze ans qui suivront, l’œuvre remporte d’emblée un grand succès à partir d’avril 1673 au théâtre du Jeu de paume de Bel-Air, près du palais du Luxembourg. Si bien que ce 27 avril 1673, le roi lui-même s’y déplace pour constater le triomphe des deux auteurs. La Gazette de France s’en fait l’écho deux jours plus tard : « Sa Majesté, accompagnée de Monsieur, de Mademoiselle et de Mademoiselle d’Orléans, alla au faubourg Saint-Germain prendre le divertissement de l’opéra, à l’Académie royale de musique établie par le sieur Baptiste Lulli, si célèbre en son art ; et la compagnie sortit extraordinairement satisfaite de ce superbe spectacle, où la tragédie de Cadmus et Hermione, fort bel ouvrage du sieur Quinault, est représentée avec des machines et des décorations surprenantes dont on doit l’invention et la conduite au sieur Vigarani, gentilhomme modénois.»
L’honneur est grand car le roi ne se déplace guère dans les faubourgs de la capitale. Il en sort ravi et donc, évidemment, tout le monde l’est aussi. On reprochera bien à Quinault d’avoir parsemé la pièce de quelques épisodes plus comiques, et à Lully d’avoir écrit une musique trop monotone, ce qui aboutira, comme souvent à l’époque, à un libelle en vers :
Quand vous verrez Cadmus à l’Opéra,
Vous ennuyer par sa monotonie,
Avec raison on se demandera
S’il est de ce divin génie
Que la tendre Erato tant de fois inspira
Oui ; c’est Lully que l’on admirera
Tant qu’en France on aura du goût et de l’oreille ;
Mais le Public l’excusera,
Et, pour réconfort se dira,
Qu’on vit même chose en Corneille.
Mais cette critique est bien peu de chose au regard du succès de l’ensemble. Tant et si bien que les deux compères ne tarderont pas à s’y remettre pour Alceste, à peine neuf mois plus tard, mais c’est là une autre histoire.
En 2008, l’Opéra-Comique fait renaître cette partition avec Le Poème harmonique et Vincent Dumestre, la mise en scène somptueuse de Benjamin Lazar et des solistes à la hauteur de cette redécouverte.