La Royal Academy of Music avait été créée en 1720 à Londres à l’initiative d’aristocrates férus d’opéra. Haendel, installé à Londres depuis quelques années, y avait été d’emblée associé pour y fournir chanteurs et partitions parmi d’autres compositeurs et surtout Bononcini.
La première académie dure huit ans, puis une seconde s’ouvre de 1730 à 1733, au King’s Theater de Londres. Mais la saison est erratique et se termine prématurément. Haendel réussit néanmoins à se refaire une santé financière et lance une troisième académie dès 1733, même s’il doit faire face à une concurrence très sévère de musiciens tels Porpora ou Hasse. Ces derniers, avec la troupe de l’Opéra de la Noblesse, vont pouvoir faire main basse sur le King’s Theater, dont le bail pour Haendel n’est pas renouvelé. Mais grâce à un ami, il s’installe au théâtre de Covent Garden, construit peu auparavant, et y donne notamment un nouveau dramma per musica, Ariodante, grand chef d’œuvre mais succès très relatif.
Comme toujours, le compositeur ne se décourage pas. Il décide de composer une nouvelle œuvre et choisit d’adapter le livret d’un opéra tiré du Roland furieux de l’Arioste, qui a déjà inspiré d’innombrables adaptations. Le livret en question est celui de L’Isola d’Alcina, écrit par Antonio Fanzaglia et mis en musique par Riccardo Broschi à Rome quelques années plus tôt.
(c) The Foundling Museum; Supplied by The Public Catalogue Foundation
Haendel termine la partition de son Alcina début avril 1735. L’enjeu pour lui est important, car la concurrence le grignote toujours davantage. Mais c’est un intuitif : il pressent que les goûts du public ont évolué et qu’il peut le satisfaire avec une offre nouvelle. Il conçoit donc un « opéra magique », fait de maléfices et de sortilèges qui animeront l’intrigue amoureuse, ce qui lui avait déjà plutôt réussi plus de vingt ans auparavant.
Et le compositeur ne lésine pas sur les moyens. Il affiche des chanteurs de premier ordre, et notamment Cecilia Young en Morgana, sœur d’Alcina, Anna Strada del Pò dans le rôle-titre ou encore le castrat Carestini en Ruggiero et l’alto Maria Caterina Negri en Bradamante. Décors et machines à l’avenant, un chœur et quelques danses achèvent de donner à l’ensemble un éclat qui séduit le public. Le succès est très grand lors de la création, voici 290 ans, ce qui n’empêchera pas Alcina de disparaître très durablement pour renaître au XXè siècle pour devenir l’un des opéras les plus repris de Haendel partout dans le monde.
Mais ici, honneur à Morgana, soeur d’Alcina, interprétée par Natalie Dessay, dont c’est là une nouvelle occasion de lui rendre hommage à l’occasion de son anniversaire. Elle interprétait le rôle de Morgana au Palais Garnier en 1999, pour la nouvelle production signée Robert Carsen et qui sera reprise en 2021.
