À la Pâques 1724, Jean-Sébastien Bach est le Cantor de l’église Saint-Thomas et directeur de la musique de Leipzig depuis moins d’un an. Comme le stipule le règlement qu’il doit respecter, il n’est censé composer que de la musique « non théâtrale ». Dans les mois qui ont suivi son installation, le nouveau patron de la musique a multiplié les compositions liturgiques : plus de 30 cantates sans compter quelques reprises ; jusqu’à ce qu’il compose sa première Passion, selon Saint-Jean, pour le Vendredi Saint 1724, le 7 avril.
Il en fera trois ou quatre révisions importantes dès l’année suivante et jusqu’à la fin de sa vie, certaines avec de toute évidence l’intervention de son fils Carl Philipp Emanuel, si bien qu’on a une partition complète, certes, mais pas totalement de sa main et avec des changements qu’il faut suivre à la trace, d’autant qu’il n’existe pas d’édition originale imprimée du texte. Ce dernier s’appuie sur l’Évangile selon Saint-Jean (sans librettiste particulier ou connu) mais en partie aussi sur celui de Saint-Matthieu, avec également des poèmes de l’époque, en particulier de Barthold Heinrich Brockes.
La partition de 1724 est perdue et il n’est pas certain que l’orchestration que nous entendons aujourd’hui à partir des versions ultérieures, notamment celle de l’année suivante – presque complète, elle – ait été fondamentalement différente. Elle est moins fournie que certaines cantates réalisées sur la même période : deux flûtes traversières (dont on n’est pas certain qu’elles figuraient dans l’orchestre dès 1724) deux hautbois, deux hautbois d’amour, deux hautbois de chasse, deux violes d’amour, une viole de gambe, un orgue, les cordes et une basse continue. Et bien sûr, quatre voix solistes et le chœur.
Cette première Passion, la troisième plus longue de ses œuvres sacrées après la Passion selon Saint-Matthieu 5 ans plus tard et l’Oratorio de Noël en 1734, est créée non pas à l’église Saint-Thomas, mais à Saint-Nicolas de Leipzig, dont Bach avait aussi la charge dans son mandat.
Pour son premier oratorio de grandes dimensions, Bach débute et termine ce long récit par deux chœurs puissants, dont le premier, « Herr, Herr unser Herrscher » était appelé par Wagner « le thaumaturge de la musique ». Le voici par le Monteverdi Choir et les English Baroque Soloists sous la direction de John Eliot Gardiner.