Reynaldo Hahn est né cosmopolite à Caracas, hollando-basco-vénézuélien par sa mère et allemand par son père. Ce dernier, homme d’affaires dans le commerce, emmène sa famille (qui comptera 13 enfants, dont Reynaldo est le petit dernier) en France, préférant liquider ses affaires dans un pays instable, qui vient de connaître une longue guerre civile et qui reste miné sans cesse par des révolutions et des coups d’Etat, pour prospérer au calme. La famille est très riche et le petit Reynaldo fréquente avec ses parents la plus haute société parisienne. Le jeune garçon démontre très tôt de grands talents musicaux, au point qu’il est reçu enfant dans les salons, où il régale les invités en chantant (fort bien, comme il le fera toute sa vie) et en s’accompagnant en même temps au piano.
Il entre au Conservatoire à l’âge de 10 ans et son principal maître (ce qui ne signifie pas qu’il sera le seul important pour la formation de Hahn), c’est Jules Massenet, gloire de l’Opéra, auquel le liera une grande amitié. C’est par l’entremise de ce dernier que Reynaldo, à 16 ans, aura sa première commande musicale pour Alphonse Daudet, qui lui demande une musique de scène pour sa pièce L’Obstacle. C’est aussi grâce à l’aide de Massenet que Hahn présentera sa première oeuvre lyrique, L’Île aux rêves, d’après l’oeuvre de Pierre Loti, huit ans plus tard. Brillant en société, dandy raffiné et polyglotte, voyageur passionné, Hahn acquiert une place de premier ordre dans la vie mondaine et se fait des ami(e)s indéfectibles par brassées.
L’un d’entre eux, Marcel Proust, le rencontre en 1894. Ils seront amants quelques temps, certes, mais c’est pour Proust « l’ami idéal » , indéfectible, jusqu’à la mort de ce dernier et même au-delà, jusqu’à la propre disparition de Reynaldo Hahn en 1947, alors qu’il est devenu directeur de l’Opéra après une guerre où il s’est conduit en héros et une autre où il a dû fuir en raison de ses origines juives (par son père, alors que lui-même était catholique). Mais c’est là une autre longue et grande histoire que ce mince espace ne peut évidemment contenir et pour laquelle la lecture de la biographie que lui a consacrée Philippe Blay en 2021 (dont nous vous parlions ici) vous est chaudement recommandée.
Pour célébrer les 150 ans de cet homme complet et complexe, voici peut-être le seul extrait accessible de cette fameuse musique de scène pour l’Obstacle de Daudet, l’une de ses toute premières partitions, une aubade espagnole toute de légèreté et de sourire, qualités qui reviendront si souvent chez ce mozartien passionné.