Comment résumer par quelques vidéos la carrière qui, depuis la fin des années 1960, a mené José van Dam sur les plus grandes scènes du monde, et l’a poussé à explorer, avec les meilleurs musiciens de toutes les époques qu’il a traversées, un répertoire particulièrement vaste ? Malchance supplémentaire pour le prétentieux voulant se lancer dans une synthèse forcément réductrice, cet immense répertoire brille autant par son ampleur que par son indéniable constance dans la réussite : l’opéra italien et la création mondiale du Saint-François d’Assise de Messiaen, le répertoire français, Wagner, le lied et la mélodie… nul échec dans aucun de ces domaines ! Van Dam a su en saisir comme personne les particularités et les spécificités, tout en y apportant son incomparable « pâte », son goût du dire, sa voix somme toute étonnante, aussi claire dans l’élocution et dans l’énonciation de ses intentions musicales que profonde à l’oreille, riche des rondeurs que les grands violoncellistes savent tirer de leur instrument. Bien qu’il soit forcément injuste de résumer par une poignée d’extraits ce qui fut moins une carrière qu’une authentique trajectoire artistique, mûrement réfléchie et intelligemment conduite, et parce qu’il serait plus injuste encore d’ignorer ce maître à l’heure où, bientôt âgé de 70 ans, il s’apprête à mettre un terme à cette trajectoire, voici un éventail, forcément subjectif, de son art.
(cet article fait partie du dossier « Don Van Dam, tout simplement »)
Youtube, heureusement, n’est pas avare en vidéos de José van Dam. Tant mieux : sa participation remarquée à d’authentiques films (le Don Giovanni de Joseph Losey en 1979, le Maître de Musique de Gérard Corbiau en 1988) ne doit pas occulter d’autres témoignages, tout aussi touchants.
« Non piu andrai », extrait des Noces de Figaro de Mozart : Quelle affiche pour ces Noces données au Palais Garnier en 1980. Jugez vous-même : Bacquier, Janowitz, Popp, von Stade, Jane Berbié, Kurt Moll, Georg Solti au pupitre… et bien sûr José van Dam, Figaro profond, enfin débarrassé des gesticulations bouffonnes dont jusqu’alors on croyait bon de l’affubler. Le soupir sous le sourire, pour le dire vite ; pourrait-on être plus mozartien ?
« Le Veau d’or », extrait du Faust de Gounod (répétition) : Autre casting de luxe pour un Faust dirigé par Michel Plasson, devenu d’emblée l’une des références discographiques de l’œuvre. Richard Leech et Cheryl Studer ne sont pas sans émouvoir, mais ici, la vraie vedette, c’est Méphistophélès, magistralement incarné par van Dam. Ces quelques extraits des sessions d’enregistrement nous font pénétrer les arcanes de la « magie » van Dam… et surprise : à l’horizon point de miracle ! Juste une incroyable méticulosité, la culture attentive d’un art d’orfèvre, et une attachante bonhommie !
« Im wunderschönem Monate Mai » extrait des Dichterliebe de Schumann : Nous en venons au Lied, que van Dam n’a jamais négligé. Mieux, il s’est fait l’un de ses plus ardents défenseurs : un timbre si riche, aux emportements presque torrentiels, dans la gorge d’un interprète d’une telle humilité ne pouvait que faire merveille dans ces pages. Pas d’image ici, mais quel son !
Saint-François d’Assise de Messiaen (répétition Salzbourg 1992) : 9 ans après sa création mondiale au Palais Garnier, la grand-messe d’Olivier Messiaen investit le Festival de Salzbourg. Pour l’occasion on change de mise en scène (Peter Sellars, avec ses fameux téléviseurs, remplace Sandro Sequi) et de chef d’orchestre (le jeune Esa-Pekka Salonen à la place de Seiji Ozawa), mais on garde précieusement le titulaire. Là encore, tout en savant mélange de force et de sobriété, van Dam est l’incarnation absolue de son personnage. Et là encore, son implication durant les répétitions fascine.
« Voici des roses », extrait de La Damnation de Faust de Berlioz : De Saint-François à la Damnation, on n’est pas loin de passer de l’ange au diable, du paradis à l’enfer, en l’espace d’un clic. Van Dam était à l’aise dans ces changements de pied. Ici, c’est encore la clarté de la diction qui émerveille, tandis que les « restes » vocaux impressionnent : dans cet extrait, notre héros a déjà passé la soixantaine…
« Mort de Don Quichotte », extrait des Chansons de Don Quichotte de Jacques Ibert : Puisque c’est actuellement dans le Don Quichotte de Massenet que José van Dam fait ses adieux au Théâtre de la Monnaie, écoutons, pour clore le cycle, cette mélodie de Jacques Ibert… et admirons, encore une fois, l’art consommé du mélodiste.
Compilation réalisée par Clément Taillia