Connu et reconnu pour ses œuvres symphoniques et religieuses, Honegger relève en 1929 un nouveau défi dans lequel il est alors assez inattendu. Il adapte en effet le roman de Pierre Louÿs, Les aventures du roi Pausole, dans lequel il est question d’un roi qui s’ennuie, de harem, d’amours saphiques et de rebondissements rocambolesques et absurdes. C’est l’éditeur d’Honegger, de ses collègues du Groupe des Six et de quantités de vedettes de l’époque, Francis Salabert, qui le lui suggère. L’austère Honegger se met au travail et collabore avec Albert Willemetz, personnage haut en couleur, secrétaire de Clemenceau avant de devenir le librettiste de dizaines d’opérettes et parolier de milliers de chansons pour des stars, de Mistinguett en passant par Arletty, Fernandel, Bourvil, Maurice Chevalier ou Jean Gabin. Inamovible directeur des Bouffes-Parisiens, il offre à Honegger à peu près tout sur un plateau.
L’écriture de la partition prend plus d’un an au compositeur et les répétitions un petit mois. Le triomphe est énorme. Le public a soif d’amusement et de gaudriole. On avoisine les 500 représentations dans toute la France. Ce succès conduira Honegger à renouveler l’expérience deux autres fois avec les opérettes La Belle de Moudon et Les petites Cardinal, qui ne rencontreront pas le même écho. Le roi Pausole ne fera lui-même pas rire très longtemps, sombrant bientôt dans l’oubli. L’opérette ne manque pas de moments anthologiques dignes de ceux du roi Ouf de l’Etoile de Chabrier, son modèle, comme l’entrée du chocolat espagnol, le duo du téléphone ou le septuor des « 7 avis différents », avec un livret réputé être « le plus obscène de l’histoire de l’opéra ».
Voici pour l’illustrer un document rare : le succès de l’œuvre l’avait amené à l’enregistrer et c’est donc Arthur Honegger qui dirige ici un orchestre anonyme dans l’ouverture burlesque de cette partition qui ne l’est pas moins.