Au début des années 1840, une étrange épidémie parcourt les théâtres européens. Plusieurs, de Paris à Munich et Vienne, montent des productions qui ont pour thème une même histoire, celle de Caterina Cornaro, la fameuse « reine de Chypre », à partir d’un même livret de Vernoy de Saint-Georges. Donizetti avait un projet similaire à ceux de ses collègues Halévy et Lachner. Sa propre Reine de Chypre devait ainsi être accueillie au Kartnertör Theater de Vienne en 1842, mais il y renonça. L’année suivante, il propose sa partition, rebaptisée Caterina Cornaro, au San Carlo de Naples. Mais, irrémédiablement rattrapé par les effets de la syphilis qui le ronge, il ne peut présider lui-même aux préparatifs. Il pressent que tout finira mal : « J’attends avec quelque inquiétude des nouvelles du fiasco de Caterina Cornaro à Naples (…) J’ai écrit pour une soprano, ils me donnent une mezzo ! Dieu sait si (Filippo) Coletti, si (Gaetano) Fraschini sont destinés à leurs rôles, que j’ai conçus pour eux. Dieu sait quelle autre catastrophe a amené la censure », écrit-il à son beau-frère.
De fait, la création, ce 12 janvier 1844, est un échec retentissant. Dans un ultime effort, Donizetti essaiera d’ y apporter quelques modifications pour une reprise à Parme, mais sombrera bientôt dans un état végétatif qui lui interdira toute activité.
Caterina Cornaro est donc le dernier opéra achevé et créé du vivant du compositeur. Il connaîtra une longue nuit, avant de renaître brièvement plus d’un siècle après. Et voici celle par qui Caterina revint à la vie, à Naples précisément, Leyla Gencer, le 28 mai 1972. Dans l’air final de l’opéra, « Non più affanni », on entend tout de cette performance étourdissante, souffleur compris !