Les librettistes Gondinet et Gille ont puisé dans l’œuvre de Pierre Loti (Le mariage de Loti) et sur des écrits de voyage de Théodore Pavie en Inde pour imaginer Lakmé, drame en pleine mode orientaliste, et construire une intrigue dont la matrice servira aussi de base à Madama Butterfly une vingtaine d’années plus tard. La pauvre fille du brahmane Nilakantha aime un bel officier anglais et tout finit mal, du grand classique à l’opéra.
La création à l’Opéra-Comique ce 14 avril 1883, avec la star Maria van Zandt dans le rôle-titre, est un triomphe mémorable mais il faut dire qu’on n’a pas lésiné sur les moyens, la production se révélant d’un luxe qui ferait aujourd’hui tourner l’œil de la Cour des comptes. En moins de 50 ans, on comptera 1000 reprises de cet opéra, seule œuvre lyrique de Delibes passée à la postérité et qui sera rapidement victime d’une réputation de vulgarité qui fait partie des grandes injustices de l’histoire de l’art lyrique. Peu à peu repris ces dernières années (après Natalie Dessay, on y a entendu plus récemment Diana Damrau et Sabine Devieilhe), l’œuvre contient des trésors qui font, il faut le dire, beaucoup penser à Bizet. L’air des clochettes et ses acrobaties est l’un des seuls fréquemment donné en récital, mais ce duetto des fleurs, au début du premier acte, est un chef d’œuvre de sensualité et de délicatesse, interprété ici par Joan Sutherland et Jane Berbié dans un enregistrement qui fit date.