Jules Massenet avait déjà tenté de conquérir le public parisien avec ses premiers essais lyriques comme La Grand’tante ou Don César de Bazan, lesquels ne firent pas date. Après le Roi de Lahore, premier grand succès du compositeur, sa splendide Hérodiade est boudé par les maisons parisiennes pour atterrir à Bruxelles. C’est d’ailleurs juste après la création d’Hérodiade qu’il signe un nouveau contrat avec son éditeur Hartmann pour un nouvel opéra destiné à l’Opéra-Comique, afin d’adapter l’œuvre de l’abbé Prévost, Manon Lescaut. Massenet, qui aimait bien réécrire l’histoire, prétendra plus tard que ses yeux étaient tombés par hasard sur l’ouvrage chez un libraire, alors que ses librettistes désespéraient de lui trouver un nouveau sujet. C’était au contraire murement réfléchi. Massenet en achève l’orchestration en mars 1883 et les répétitions commencent 6 mois plus tard. Massenet ne peut récupérer Marguerite Vaillant-Couturier, pour qui il avait écrit le rôle titre et c’est donc Marie Heilbronn qui crée ce personnage très ambivalent ce 19 janvier 1884, aux côtés du ténor Jean-Alexandre Talazac. Le public réserve un triomphe au spectacle, qui s’impose d’emblée. Seuls les critiques bougonnent, parlant de « vacarme » ou même de « fresque effroyable ». Il faut dire que cette dernière expression figurait dans le journal Le Radical…
Voici l’un des plus beaux airs de l’œuvre, réservé à Des Grieux, ici interprété par un Roberto Alagna qui ne ménage pas ses efforts, à Vienne il y a déjà 10 ans, « Ah fuyez, douce image ».