Voici tout juste trois siècles, le 20 décembre 1721 (dans le calendrier grégorien), a lieu la création d’un nouvel opéra de Haendel au King’s Theatre de Londres, Floridante, sur un livret de Paolo Antonio Rolli. Ce dernier, écrivain italien installé en Angleterre, n’en est pas à son premier texte, même s’il n’avait encore jamais travaillé avec Haendel. Il avait plutôt servi l’un de ses rivaux, Bononcini. C’est d’ailleurs peut-être pour damer le pion à ce dernier qu’Haendel fait appel à ce librettiste, de manière à faire plus italien que l’italien, et donc épouser la grande mode du moment en montrant par la même occasion qu’il sait tout faire. Haendel, fichu caractère notoire, n’est pas du genre à partager, surtout pas le succès.
Rolli est allé chercher une pièce de Francesco Silvani qui datait de la fin du siècle précédent : La Costanza in trionfo, alors mise en musique par Marco Antonio Ziani. Mais Rolli fouette l’argument comme une crème à monter, ce qui allonge le produit mais ne le densifie guère. Il en résulte un livret assez peu vraisemblable, confus, sans grande continuité dramatique. Vous pourrez dire qu’il n’est évidemment pas le seul dans toute l’histoire de l’opéra. Et cela n’empêche pas qu’il soit doté d’une musique habile et séduisante, par laquelle Haendel réussit son pari de faire du Bononcini en mieux. Il est aidé en cela de sa distribution, avec le castrat alto Senesino (alias Francesco Bernardini) dans le rôle titre ; Maddalena Selvai, soprano, en Rossane ou encore Benedetti (alias Benedetto Baldassari), castrat soprano en Timante.
Si Haendel peut être satisfait, ce n’est pas nécessairement le cas du public londonien, qui accueille l’œuvre avec une certaine fraîcheur, peut-être due au fait que l’intrigue originale est censée se dérouler en Norvège (et que Rolli a transposée chez les Perses histoire de faire plus exotique). Elle restera cependant à l’affiche pendant une quinzaine de jour et connaîtra quelques reprises et modifications voire refontes durant les années qui suivront. Mais c’est une œuvre de Haendel qui reste encore aujourd’hui assez méconnue, pour ne pas dire secondaire
Alan Curtis aimait cependant suffisamment cette partition pour l’enregistrer à deux reprises. La dernière affichait Joyce DiDonato en Floridante et Marijana Mijanovic en Rossane, avec Il Complesso Barocco en 2005 pour Archiv et dont voici le ravissant duetto « Ah, mia cara ! ».