En 1819, Gaspare Spontini est installé à Paris depuis une grosse quinzaine d’années. Il y est venu pour tenter sa chance, faute d’en avoir dans son Italie natale. Malgré un caractère réputé impossible, il a suffisamment d’entregent pour se faire une place dans la haute société impériale et en particulier pour se faire remarquer de l’impératrice Joséphine, dont il devient le compositeur attitré en 1805. L’écrasant succès de ses deux grands chefs-d’œuvre La Vestale et Fernand Cortez lui permettent de s’installer durablement dans la vie musicale française. Suffisamment en tout cas pour résister à la chute de l’Empire et être adoubé, Légion d’Honneur comprise, par la monarchie restaurée.
C’est alors qu’il entreprend un nouvel ouvrage destiné à l’Académie royale de musique et choisit un livret basé sur une tragédie de Voltaire, dont l’œuvre théâtrale reste en vogue, même durant la Restauration. Il s’agit de l’Olympie, pièce en 5 actes de 1762. Les librettistes Brifaut et Dieulafoy adaptent l’œuvre voltairienne pour l’opéra tandis qu’on fait appel à Gardel pour les traditionnels ballets inclus dans la partition. Pour assurer le succès, de grands noms de la scène lyrique sont convoqués : Caroline Branchu – qui prendra sa retraite avec la création de la nouvelle version du même ouvrage en 1826 – Louis Nourrit (père d’Adolphe) ou encore la basse Henri-Etienne Dérivis, tous de la même génération.
Mais comme souvent dans le Paris de l’époque – et finalement comme souvent à Paris tout court – l’œuvre n’est pas encore représentée que tout le monde a quelque chose à dire dessus. Non seulement sur le livret, et surtout sur la tragédie qui l’a inspiré, jugé d’emblée très moyen ; mais aussi sur la musique dont une rumeur précoce souligne le caractère brouillon et bruyant, Spontini recourant à un orchestre assez vaste. Témoigne de cet a priori négatif cet article du Camp volant, périodique ancêtre de Forumopera : « C’est définitivement le 20 de ce mois (ndr : en fait ce sera le 22) qu’on entendra la terrible musique d’Olympie. Toutes les trompettes de l’armée sont retenues pour jouer les piani, et l’on dresse des amphithéâtres sur le boulevard de la Madeleine pour les auditeurs qui ne pourront pas rentrer dans la salle (ndr : la salle Montansier, alors située sur l’actuelle rue Richelieu, à plus de 500 mètres…). Si, de là, leurs oreilles ne souffraient pas assez, on y appliquait quelques pages du vers que M. Dieulafoy a substitués à ceux de Voltaire, et l’on peut assurer que le déchirement irait jusqu’à solution de continuité. »
Après cette pré-campagne engageante, la création est très mal accueillie par la critique, en particulier les rôles masculins : « Les acteurs ont défiguré, par des cris et des hurlements, une musique déjà assez vigoureuse pour n’avoir point besoin d’être soutenue par les dangereux efforts de poumons épuisés » (Le Drapeau blanc, 24 décembre 1819). Les décos et les costumes sont jugés à l’avenant. Le résultat est sans appel : rideau après 7 petites représentations.
Cette œuvre de grande valeur sera reprise en 1821 en allemand (avec une adaptation par E.T.A. Hoffmann s’il vous plaît, qui modifie tout le 3e acte) à Berlin, où Spontini, lassé des cabales, trouvera refuge dans d’excellentes conditions. Olympie devient alors Olimpia, avant d’être à nouveau traduit en français et représenté cette fois avec succès à Paris en 1826. Olympie devenue Olimpia, se transforme alors en Olimpie. C’est d’ailleurs cette version qu’a donnée Jérémie Rohrer à la tête du Cercle de l’Harmonie à Amsterdam en 2016, avec de valeureux solistes, dont le disque a immortalisé l’interprétation grâce à l’indispensable fondation Palazzetto Bru Zane. Voici l’impressionnant finale du 1er acte, déjà présent dans la version de 1819.