À l’occasion des 210 ans du chef d’oeuvre bouffe de Rossini, nous republions le zapping que nous lui avions consacré voici quelques années, dans une version revue et augmentée.
Impressionnée par le succès du tout nouveau Tancredi du jeune Rossini (21 ans tout juste) à la Fenice, la direction du théâtre concurrent San Benedetto de Venise voit dans le compositeur son seul recours pour rebondir. Elle veut donc remplacer un opéra de Carlo Coccia par une œuvre comique du prodige. Sauf que nous sommes à la mi-avril 1813 et que la première de ce nouvel opéra est attendue… pour le 22 mai. Tête brûlée qui en a déjà vu d’autres, Rossini se met au travail. Pour l’y aider, on recycle à peu près totalement le livret d’Angelo Anelli, qui l’avait écrit pour Luigi Mosca, dont l’opéra – au titre identique : L’Italiana in Algeri – avait été créé à Milan quelques années auparavant. Rossini tricote donc une partition en 3 petites semaines et se fait sans doute aider par quelques autres. Devant un tel exploit, les railleurs l’accusent d’avoir allègrement pillé non seulement le livret utilisé par Mosca, mais encore sa musique. Une rapide écoute sur cette dernière, qu’on trouve sur le net, montre que le procès à Rossini est quelque peu abusif, même s’il est troublant d’entendre une autre musique sur des mots strictement identiques ! L’écoute du finale du 1eracte, délire jouissif chez Rossini et habile construction de facture assez classique chez Mosca, suffit à souligner les différences. Quoi qu’il en soit, la création du chef-d’œuvre de Rossini est un triomphe, grâce à cette énergie communicative et aussi à une distribution aux petits oignons. Pendant ce temps là, au même moment, à Leipzig, un certain Wilhelm Richard Wagner poussait son premier cri…
On dit que le livret original de l’Italiana in Algeri aurait pour fondement une histoire vraie, celle d’une aristocrate milanaise, Antonietta Suini-Frapolli. Elle avait été capturée avec d’autres voyageurs par des pirates algériens lors d’un trajet entre Sicile et Sardaigne en 1805, ce qui n’était pas un phénomène rare. Emmenée devant le Dey d’Alger Mustapha Pacha, ce dernier l’avait faite admettre dans son harem. On dit même qu’il en avait fait sa favorite, au grand dépit des autres concubines. Mais un navire vénitien ramènera peu de temps après Antonietta, sans qu’on sache bien pourquoi ni comment elle avait réussi à quitter le harem du Dey. Peut-être que l’assassinat de ce dernier en août 1805, à la suite d’une sédition, n’a pas été étrangère à cette libération, ou cette fuite, comme on voudra. Le mystère demeure !
L’Italiana in Algeri est une œuvre propice à toutes sortes de délires de mise en scène, parfois avec tout le mauvais goût possible. Celle de Jean-Pierre Ponnelle pour le Met il y a 30 ans n’évite pas les grosses balourdises mais reste un classique efficace, un « délicieux écoeurement », ainsi que nos colonnes la décrivaient il y a quelques années. Et puis, on y entend l’une des très grandes Isabella, voire la plus grande, de l’histoire de l’œuvre, Marilyn Horne, en pleine forme. Pour changer de l’explosion burlesque de la fin du 1eracte, voici l’air d’Isabella, « Cruda sorte ! ».