Gounod enchainait les échecs ou au mieux les demi-succès après son Faust, qui avait mis quelque temps à tout écraser sur son passage. Philémon et Baucis, puis la Colombe et enfin Mireille, avaient cruellement désillusionné le compositeur, qui alternait moments de création fiévreuse et profonde dépression. Il semble qu’il ait envisagé dès 1864 d’adapter la célèbre pièce de Shakespeare, Roméo et Juliette, et s’en était ouvert à l’incontournable Pauline Viardot. A l’été 1866, après de grandes difficultés, y compris personnelles, jurant que ce serait là son dernier opéra, Gounod rend enfin son travail, élaboré sur un livret de Barbier et Carré, lesquels ont simplifié l’œuvre originale en la concentrant beaucoup sur les deux amants. Après quelques coupures, l’opéra est finalement créée au Théâtre du Châtelet à Paris, il y a tout juste 149 ans. Cette fois, le triomphe est sincère, immédiat et durable. Mais Gounod ne retrouvera jamais le même niveau d’inspiration dans ses 3 opéras suivants. Roméo et Juliette est donc bien le dernier grand chef -d’œuvre lyrique du compositeur.
En voici l’un des airs phares ici chanté par le plus grand Roméo de sa génération, Roberto Alagna, il y a plus de 20 ans à Londres, idéalement accompagné par Sir Charles Mackerras à la tête du très bel orchestre du Royal Opera House de Covent Garden dans une production qui fit date.