1787 n’est pas une année très joyeuse pour Mozart. Il perd tour à tour le comte Harzfeld, un de ses proches amis, puis son père Leopold, puis un autre ami salzbourgeois, le docteur Barisani. Prague, où il prend ses quartiers au début de l’année lui apporte néanmoins une consolation, puisque ses Nozze di Figaro y font fureur depuis quelques mois et qu’il lui offre même toute une symphonie, sa 38e, pour la remercier de son accueil. Un contrat est passé avec le directeur italien du Nationaltheater pour la création d’un nouvel opéra avant la fin de l’année. Le fidèle da Ponte, encore auréolé du triomphe des Noces, propose un livret basé sur l’histoire de Don Juan, déjà réinterprétée mille fois depuis l’oeuvre de Tirso de Molina et alors très en vogue. Da Ponte et Mozart, qui participe très activement à l’élaboration du livret, font de cette légende un habile mélange de comédie, de tragédie, de surnaturel, jusqu’à la fameuse scène du Commandeur, l’une des plus dramatiques de l’histoire de l’Opéra.
Comme souvent, la veille même de la création d’abord prévue le 14 octobre, la partition n’est pas achevée : l’ouverture manque, mais aussi le dernier finale. Tout est reporté de 15 jours et finalement, bien aidé par une troupe de grande qualité entièrement italienne, et par un orchestre réduit, dont Mozart – qui le dirige – s’est dit très satisfait malgré les difficultés de la partition, parfois déchiffrée le jour même ; le triomphe pragois est total. Il parviendra jusqu’aux oreilles de l’empereur Joseph II, qui le fera donner à Vienne l’année suivante. Mais la capitale autrichienne ne fera pas du tout le même accueil à une œuvre jugée scandaleuse et complexe.
Voici la fameuse scène du Commandeur, sans le finale ultime que certaines productions escamotent d’ailleurs tant la tension dramatique est à son paroxysme lorsque Don Giovanni est avalé par les flammes de l’enfer. Ici dans la production technicolor du Met, signée Michael Grandage en 2011.