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Un jour, une création : 3 février 1823, Rossini (presque) alone in Babylone

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3 février 2023

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Au début des années 1820, Rossini trouve le temps long à Naples, où il est directeur de la musique des théâtres royaux depuis 1815. Le succès se fait épisodique, et une sévère crise politique, avec une insurrection sanglante en 1820, rend l’atmosphère irrespirable. L’année suivante, pour que tout le petit monde de San Carlo aille prendre l’air, le patron de ce dernier, Domenico Barbaja, lance l’idée d’une tournée pour aller, notamment en Autriche. Rossini est ravi et y voit l’occasion de faire le mur. En route pour Vienne, il se marie avec Isabella Colbran, la prima donna du San Carlo, à Bologne et, arrivé à dans la capitale autrichienne, il est surpris par un accueil de rock-star avant l’heure. Les six opéras qui sont représentés déclenchent des hystéries collectives. En juillet, Rossini rencontre même Beethoven, à son initiative, après avoir entendu, dit-on, la symphonie héroïque. Il racontera cet épisode plusieurs fois : « Pendant mon séjour à Vienne, je me suis fait présenter par le vieux Carpani [écrivain italien septuagénaire] à Beethoven. Mais sa surdité et mon ignorance de la langue allemande rendirent toute conversation impossible. Je me réjouis du moins de l’avoir vu. »

À Wagner qui lui rendra lui-même visite en 1860, Rossini racontera avoir été frappé par l’infinie tristesse qu’il avait ressentie chez Beethoven, et que ce dernier l’avait chaleureusement félicité pour le Barbier de Séville, lui conseillant de ne jamais rien faire d’autre que de l’opéra bouffe, les Italiens n’étaient pas faits (n’ayant pas assez de science musicale) pour faire de l’opera seria…

 

Изабелла Кольбран (Isabella Colbran) | Opera singers, Singer, Rossini
Isabella Colbran, première Semiramide

 

Or, justement, ce que Beethoven ignore évidemment, c’est que Rossini a, dans l’intervalle, reçu une commande de la Fenice de Venise pour un opera seria… et même très seria : un « Mélodrame tragique »: tout un programme en 2 mots pour annoncer au public vénitien combien il allait rire.

En effet, le choix du sujet s’est porté Sémiramide. Tiré de la tragédie homonyme de Voltaire, le livret est moins mélodramatique qu’alambiqué, rendant les mises en scène des rares versions scéniques, assez statiques.

 

Rosa Mariani - Wikidata
Rosa Mariani, première Arsace

 

L’action se passe à Babylone, au temps de sa splendeur. Au temple de Baal, la reine Sémiramide doit choisir le successeur du roi, mort dans d’étranges circonstances. Le prince Assur est sur les rangs (avec un tel nom, impossible de ne pas essayer). Mais au moment où la reine va prononcer le nom, un éclair traverse le ciel et la flamme sacrée s’éteint. Mauvais présage évidemment…On remet la cérémonie à plus tard. Le prince Arsace (mais où vont ils chercher des noms pareils ??) revient sur ces entrefaites de la guerre et brûle d’amour, lui, pour la princesse Azema, qui était promise au fils du roi, lui-même considéré comme mort. Mais voilà, le prince Assur, qui voudrait bien devenir roi, aime lui aussi la princesse Azema. Bref, ça chauffe entre les deux coqs aux noms grotesques. Pendant ce temps, Azema se réjouit du retour d’Arsace, mais doit résister aux tentatives d’un certain Idreno (décidément, tout le monde la veut !). Sémiramide elle-même, de son côté aimerait bien mettre le grappin sur Arsace et écoute attentivement ce qu’elle a envie d’entendre de la bouche de l’oracle du coin, puis de celle d’Arsace, qui lui jure loyauté alors qu’elle entend « amour ». Donc, ni une ni deux, Sémiramide convoque tout le monde, fait jurer fidélité à tous et annonce que le successeur du roi sera Arsace. Les présents en sont baba. Crac, nouvel éclair, au cas où on n’aurait pas compris la première fois, et le spectre du roi (il s’appelle Nino) vient dire aux pétrifiés du temple qu’Arsace sera roi seulement s’il descend dans le tombeau royal pour y immoler une victime dont le nom reste secret…. ça c’était seulement un résumé du 1er acte… Au second, Assur reproche à Sémiramide de lui avoir donné de faux espoirs et on comprend de leur dispute qu’elle et lui sont à l’origine du meurtre du roi. Assur devient menaçant. Dans le temple, on couronne Arsace et on lui révèle qu’il est le fils du roi et que c’est sa mère, Sémiramide, qui a empoisonné Nino. Arsace, désespéré, jure vengeance. Azema (tiens, on l’avait oubliée) pleure la perte de son Arsace et disparaît. Arsace révèle à sa mère qui il est et elle lui demande de la tuer, ce qu’il refuse et va dans le tombeau de son père, pendant qu’Assur jure qu’il tuera le nouveau roi (une sale habitude) et descend lui aussi dans le tombeau à sa recherche. Le Grand prêtre promet à Arsace que les dieux guideront son glaive contre le coupable de la mort de son père et Sémiramide vient prier (c’est une gare ce tombeau !). Le Grand prêtre ordonne alors à Arsace, dans la pénombre, de frapper, et croyant atteindre Assur, il tue sa mère. Il veut se suicider mais on l’en empêche et on le porte en triomphe au palais…

 

Filippo Galli | Archivio Storico Ricordi | Collezione Digitale
Filippo Galli, premier Assur

 

Vous avez suivi jusqu’au bout ? Jusqu’à la renaissance rossinienne des années 80, comme le rappelle Piotr Kaminski dans ses Mille et un opéras, certains éminents critiques y voyaient pourtant un opéra « sans intérêt », ce qui est fondamentalement non seulement injuste mais faux, même s’il est long et tortueux, ce qui n’est pas rare à l’opéra. Rossini l’a copieusement agrémenté d’airs et d’ensembles en tous genres de sa meilleure plume, depuis l’ouverture, célèbre entre toutes, jusqu’au finale faussement triomphal de l’œuvre, en passant par des merveilles d’écriture lyrique comme « Bel Raggio lusinghier » pour Sémiramide ou « Eccomi alfine in Babilonia » pour ne citer que les plus célèbres.

Il y a donc 200 ans tout juste, l’œuvre est créée à la Fenice. Isabella Colbran tient le rôle titre, mais ne chantera plus après cela, sa voix montrant de dangereux signes de faiblesse. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous et Semiramide sera bien vite remisée pour ressortir quelques décennies plus tard et avant de connaitre une longue éclipse.

Voici le fameux « Bel Raggio lusinghier », qui nous donne l’occasion de retrouver la regrettée Edita Gruberova, ici en 1993 lors d’un concert, où toutes les notes ne semblent pas écrites….

 

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