Borodine avait très tôt fixé le thème de ce qui resterait son unique opus lyrique sous le titre de Prince Igor. Dès 1869, il avait choisi de s’inspirer d’un très ancien manuscrit russe, « Le Dit de l’Ost d’Igor » et il passa le reste de sa vie, jusqu’à sa mort brutale en 1887, à en construire la partition. D’abord en 3 actes et un épilogue puis un prologue et 4 actes, l’ouvrage fut abandonné pendant plusieurs années au point de servir de matériau à sa seconde symphonie, puis repris au milieu des années 1870, dans la plus grande confusion. A sa mort, seuls dix numéros étaient prêts et orchestrés. Borodine avait demandé peu auparavant à son ami, l’omniprésent Rimsky-Korsakov, de l’aider à compléter la partition, lequel y travailla avec Glazounov. C’est ce dernier qui dut réaliser la fin de l’œuvre, labeur énorme sur la base de fragments parfois très approximatifs. Certains pensent que l’ouverture, en forme de pot-pourri, est également son œuvre. C’est cet assemblage qui est finalement créé avec grand succès 3 ans après la disparition du chimiste-compositeur, au théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg. C’est plus d’un siècle plus tard et beaucoup de travaux de recherches musicologiques, pour retrouver une partition apparemment proche des intentions d’origine du compositeur, dont Rimsky-Korsakov et Glazounov avaient quand même beaucoup charcuté la partition initiale. L’œuvre en sort-elle grandie pour autant ?
Le fameux et magnifique air sombre d ‘Igor, à l’acte II, est bien quant à lui de la main de Borodine, qui en fit plusieurs versions lui-même, ici merveilleusement chanté par George London il y a plus de 50 ans.