Chez les Grétry, en 1741, on est musiciens. Quand il voit le jour voici 280 ans dans la capitale de ce qui est alors une principauté rattachée au Saint-Empire, le petit André-Ernest-Modeste pourrait presque tenir dans la caisse de violon de son père, ce qui ne le rend pourtant pas spécialement passionné de musique. Il tombe au contraire dedans assez tard, grâce à sa découverte des opéras italiens qui le conduisent à faire le voyage jusque dans la péninsule à l’aube de ses 20 ans. Il y restera plusieurs années et y apprendra tout son métier. « L’école italienne est la meilleure qui existe, tant pour la composition que pour le chant » écrira-t-il dans ses Mémoires. Il faut dire que ses professeurs se nomment Casali et surtout Padre Martini, véritable légende de l’apprentissage musical en Italie. Après 6 ans, Grétry entre dans la prestigieuse Accademia dei Filarmonici de Bologne.
Mais c’est à Paris que l’étoile du jeune maître va commencer à briller. Il y arrive en 1768 et va d’emblée frapper plusieurs grands coups qui vont asseoir sa renommée : Les Mariages samnites ; le Huron ou encore Lucile (dont le quatuor final « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? », bien connu des radiophiles belges, deviendra immensément populaire). Avec l’aide de librettistes habiles, il va vite renouveler le genre de l’opéra-comique et gravir tous les échelons, à travers tous les régimes. Mais cela, c’est une autre histoire !
Lorsqu’il présente l’un de ses premiers grands succès, Les Mariages samnites, le jeune Grétry croise le baron Grimm, écrivain et diplomate bavarois, qui décrit ainsi le compositeur : « M. Grétry est de Liège. Il est jeune, il a l’air pâle, blême, souffrant, tourmenté, tous les symptômes du génie. ». Grétry se distingue cependant aussi par un heureux caractère qui transparaît dans le visage doux et souriant de ses portraits, et qui ne sera pas pour rien dans son ascension, puisqu’ayant voulu « contenter tout le monde » comme il l’écrira, il jettera les bases de l’opéra romantique en modernisant l’opéra-comique.
En voici une illustration avec ce bel extrait de ces fameux Mariages samnites, admirablement servis par Sophie Karthäuser et Julien Chauvin à la tête du Concert de la Loge, dans un disque que nous avions salué dans ces colonnes.
Par une triste ironie du sort, cet anniversaire survient au lendemain de la disparition de Stefano Mazzonis di Pralafera, directeur général et artistique de l’opéra royal de Wallonie. Une grande statue de Grétry, où son coeur a été enchassé, accueille aujourd’hui mélomanes et promeneurs devant ce haut et beau lieu de culture que Stefano Mazzonis a servi avec passion et succès pendant 15 ans et dont il présentait, plein d’espérance et d’enthousiasme, une nouvelle saison voici quelques semaines.