On ne change pas une équipe qui gagne ! Après son immense succès avec « Richard Cœur de Lion », le plus français des liégeois, André-Ernest-Modeste Grétry fait appelà cinq reprises à son librettiste fétiche, le dramaturge Michel-Jean Sedaine, avant de lui confier le livret d’un « Guillaume Tell », qui s’appuie lui-même sur une pièce de Lemierre de 1766. Pour autant, l’argument est relativement proche de celui dont Schiller fera la pièce qui inspirera les librettistes de Rossini près de 3 décennies plus tard. On y retrouve les personnages de Jemmy, (qui a une sœur), Melchtal père et fils, Gessler, mais pas la duchesse Mathilde.
Par chance pour lui, Grétry n’a pas eu à subir le contrecoup de la Révolution, lui qui était directeur de la musique de Marie-Antoinette et dont l’air « Ô Richard, ô mon roi » avait été entonné par les soldats du régiment de Flandre devant le couple royal en octobre 1789 et servait d’hymne royaliste. La popularité de ses œuvres, mises également au service des révolutionnaires, lui permet de rester au sommet de la vie musicale durant cette période.
Ce 9 avril 1791, Guillaume Tell est donc créé à la toute récente salle Favart à Paris. L’opéra combine des moments légers et champêtres avec le drame le plus noir, et exalte évidemment l’esprit révolutionnaire. Ici, Tell est un ténor et Mme Tell a un rôle bien plus développé que dans le chef d’œuvre éponyme de Rossini.
C’est peu dire, d’ailleurs que ce dernier a occulté celui de Grétry, repris pourtant, avec des extraits d’autres opéras du liégeois, l’année précédant la création rossinienne, 15 ans après la mort de Grétry.
C’est à l’occasion du bicentenaire de celle-ci que l’Opéra Royal de Wallonie, devant lequel trône la splendide statue du compositeur, a ressuscité ce Guillaume Tell avec une distribution maison qu’irradie littéralement l’excellente Anne-Catherine Gillet, sous la baguette de Claudio Scimone. Laurent Bury avait écrit dans ces colonnes tout le bien qu’il pensait de la captation qui en avait été tirée et dont voici un extrait en forme de pot-pourri.