Ambroise Thomas aimait Shakespeare, qui l’inspirait. Les duettistes Barbier et Carré lui concoctent au tournant des années 1860 un livret adaptant (assez librement et à partir d’une première adaptation en français d’Alexandre Dumas et Paul Meurice) l’Hamlet du dramaturge, en 4 actes et avec un glorieux happy end qui permet de couronner Hamlet roi. Cette première version est achevée en 1863 et aussitôt rangée dans un tiroir.
Thomas compose alors son autre chef d’œuvre lyrique, Mignon, d’après Goethe cette fois. Il revient ensuite pour la salle Le Peletier, alors siège de l’opéra de Paris, avec une version modifiée de son Hamlet, avec un cinquième acte et ajout d’un ballet, concession inévitable à la « Grande boutique ». Il fait seulement à ce moment là de son héros un baryton, offrant le rôle à Jean-Baptiste Faure qui ne sera pas pour rien dans le succès de l’œuvre. Créée il y a tout juste 150 ans, cette partition fort belle quoi qu’assez dédaignée par les nombreux critiques de Thomas, jugé ultra conservateur et académique au dernier degré, remporte un succès d’estime avant de partir à la conquête (réussie) de l’Europe. A l’occasion de son passage à Londres, Hamlet modifiera la fin pour la rendre plus tragique, avec la blessure mortelle reçue par Hamlet, qui tue tout de même le roi, avant de rendre le dernier souffle près d’Ophélie.
Parmi les reprises de ces dernières années, la production du Liceu de Barcelone, mise en scène par Moshé Leiser et Patrice Caurier il y a déjà 15 ans, a donné lieu à l’une des plus extraordinaires interprétations scéniques de la folie de la pauvre Ophélie par une époustouflante Natalie Dessay, dont voici la seconde partie.