À l’origine était un feuilleton, paru en 1920 dans le journal tchèque Lidové Noviny et signé Rudolf Těsnohlídek, un journaliste et écrivain qui connaitra un destin tragique, puisqu’atteint de dépression profonde, il mettra fin à ses jours à 46 ans. Sa femme, l’apprenant le lendemain, se suicidera également.
Mais avant ce terrible drame, le petit feuilleton de Těsnohlídek, une fable qui raconte les aventures de Bystrouška, une petite renarde, attire un public nombreux et conquis. Dans celui-ci, on trouve Marie Stejskalová, servante de Leoš Janáček. Elle racontera elle-même comment cette petite histoire allait tomber sous les yeux de son patron :
« Une fois, je la lisais et il y avait une image de Bystrouška qui se mariait avec Zlatohřbítek et qui portait un bouquet. Je trouvais terriblement drôle la façon dont ils se pavanaient ainsi. Je ne pensais pas que quiconque eût pu m’entendre rire : Madame n’était pas à la maison et le maître était dans son bureau. Mais soudain, il apparut à la porte de la cuisine
– Eh bien, de quoi ris-tu ?
– De cette Bystrouška, Monsieur.
– Qui est Bystrouška ?
– Vous voulez dire que vous n’avez pas lu cela ? C’est écrit par M. Těsnohlídek dans le Lidové Noviny.
Je lui tendis le journal. Il regarda l’image, lut et commença à sourire et alors je lui dis :
– Monsieur, vous savez bien comment les animaux parlent entre eux. Vous êtes toujours en train de noter les chants d’oiseaux. Eh bien, ceci pour bien faire un opéra !
Il ne réagit pas, mais à partir de là, il est toujours resté très attentif à chaque épisode de Bystrouška. »
Et de fait, Janácek imagine bel et bien un opéra, qu’il ne commencera à écrire que deux ans plus tard. Et il ne fait pas semblant : « Je n’ai jamais travaillé aussi dur de toute ma vie.» écrit-il à la fameuse et très distante Kamila Stösslova, la muse et l’amour (non réciproque) de ses dernières années. S’occupant lui-même du livret avec l’accord – un peu ébahi de Těsnohlídek, il resserre l’intrigue en supprimant des personnages et se concentre sur les liens entre les êtres humains et la nature.
Il termine dès 1922, mais remettra la partition sur le métier en 1923, avant que l’orchestre de l’Opéra de Brno ne lui propose de créer l’œuvre dans leur ville, ce que Janáček est trop heureux d’accepter.
La création, voici tout juste 100 ans, remporte un vif succès sous la direction de František Neumann. Cette « histoire gaie avec une fin triste» comme l’appelait le compositeur, est garnie de sons de la forêt et de chants populaires, pour le plus grand plaisir des petits et des grands !