Après un premier récital remarqué l’an passé, Pretty Yende revient à Verbier, pour un nouveau tour de chant, à l’église d’abord (c’était jeudi dernier, 30 juillet), puis Salle des Combins, le temps d’une soirée qui ne lui concède au sein d’un programme hétéroclite qu’un bref numéro. Bref mais intense. Composé par Mozart en 1773 à l’intention du castrat Venanzio Rauzzini (le créateur de Lucio Silla à Milan), le motet Exsultate Jubilate est moins une page de musique sacrée qu’une pièce de concert exigeant de la part du soliste autant de virtuosité que de sentiment. En trois parties, dont un allegro final jubilatoire, toute la panoplie du chant lyrique est sollicitée. Si le premier et le troisième mouvement avec leurs vocalises, leurs longs traits et leurs sauts de registre requièrent souffle, agilité et bravoure, le deuxième s’apparente aux airs tendres dont les opéras de Mozart sont prodigues. Il passe dans les soupirs des violons et la pureté du chant du « Tu Virginum corona » comme l’ombre d’Illia, l’héroïne d’Idomeneo. Un jeu d’enfant pour Pretty Yende dont un premier prix au concours Bellini en 2010 et, depuis, quelques triomphes rossiniens, attestent de la maîtrise d’un vocabulaire belcantiste, ici indispensable ?
En fait pas tant que ça. Le timbre reste délicieux : charnu, pulpeux, fruité, sucré même sans qu’aucune amertume ne vienne altérer l’impression de rondeur généreuse et épanouie. L’aigu est radieux, le grave un peu moins affirmé mais le chant respire avec une telle candeur qu’il est difficile de ne pas tomber sous le charme. Cette fraîcheur, rare car dénuée de toute affectation susceptible de corrompre la source vive de l’écriture mozartienne, est ô combien précieuse. Le souci de la ligne, ce legato consubstantiel à Mozart où toute prise de souffle demeure imperceptible, est aussi un atout non négligeable. Mais le trille, esquissé sinon esquivé, la vocalise tracée d’un geste rapide, voire négligé, et plus gênant, l’absence d’intentions, un même sourire figé qui, imperturbable, accompagne chacun des trois mouvements, laissent inévitablement un goût d’inachevé. A la décharge de la soprano, la direction peu expressive de Joshua Bell semble davantage préoccupée de mesure que de contraste. Et ce qui aurait dû être une entrée en matière festive s’avère davantage un passage obligé, destiné à préparer un concerto de Bruch époustouflant où, enfin, la musique se montre capable de parole.