Hier soir, nous étions de nouveau lundi. Les lundis à Dresde, autrefois symbole de lutte contre l’autoritarisme lors de la chute du communisme, sont maintenant tristement célèbres car théâtre des manifestations PEGIDA, un mouvement ouvertement islamophobe et anti-immigration.
Hier encore, les sympathisants de PEGIDA (ci-après « pégidistes »), dirigés par Lutz Bachmann auraient dû se retrouver sur cette place pour répéter la même cérémonie que les lundis précédents : musique épico-dramatique, lecture éclairée de l’actualité par M. Bachmann, discours d’un « invité d’honneur » et défilé à travers la vieille ville avec drapeaux, banderoles et slogans assez sinistres.
Sauf que ce lundi 21 décembre, l’Opéra de Dresde a décidé de prendre le pas sur les manifestants. Pour répondre à la haine par la musique, quoi de mieux pour une maison d’opéra que d’interpréter l’Hymne à la Joie, extrait de la Neuvième de Beethoven ? C’est ainsi que des solistes de l’opéra et des volontaires du chœur et de la Staatskapelle mais aussi de l’administration se sont réunis pour défendre leur institution comme « ouverte au monde », un geste d’autant plus fort au regard du récent décès du chef Kurt Masur, fortement impliqué dans les fameuses Montagsdemonstrationen de 1989 en Allemagne de l’Est. Plus de quatre mille personnes étaient présentes ce soir-là devant la Semperoper, tandis que les pégidistes s’étaient retranchés de l’autre côté de l’Elbe, l’évènement ayant été qualifié de « terrorisme d’extrême-gauche » (sic) par l’organisateur. Cette action organisée par l’association Herz statt Hetze réunissait outre l’Opéra, plusieurs autres institutions culturelles de la ville telles que le théâtre ou la Kreuzkirche.
Depuis plus d’un an, la Semperoper tente de lutter contre le mouvement PEGIDA par différents moyens : banderoles, extinction des lumières lors des manifestations ou encore par un grand panneau d’affichage lumineux dans la niche principale du bâtiment. Il y a quelques jours, le chef d’orchestre et directeur de la Staatskapelle Christian Thielemann s’était montré particulièrement sévère avec le mouvement, accusant les manifestants de détruire l’image de la ville et de l’Opéra et les exhortant à se rassembler ailleurs.
Trêve de Noël oblige, la prochaine manifestation PEGIDA est prévue le 4 janvier. Reste à savoir si l’action de l’Opéra pourra être renouvelée.
Le choeur de l’Opéra accompagné de la Staatskapelle (dans le bâtiment) © Christian Essler