Stéphanie d’Oustrac, après avoir incarné les grandes héroïnes de l’opéra français baroque, parmi bien d’autres répertoires, aime conduire des récitals et des enregistrements thématiques depuis sa « Médée furieuse », jusqu’à « Fureur et extase ». Le CD qui sort maintenant s’inscrit dans cette veine, toujours accompagnée par Héloïse Gaillard et son Ensemble Amarillis. Au zénith, notre très grande mezzo se double d’une tragédienne exemplaire. La diction, la longueur de voix, la présence épanouie, le naturel font de ce témoignage un bijou. A cette occasion, on relira avec bonheur sa récente interview « Stéphanie d’Oustrac ou L’art de la joie », à laquelle notre titre est emprunté.
Mêlant l’illusion, le surnaturel et le réel, la folie est consubstantielle au baroque. Le titre du CD (Portraits de la folie) et ses interprètes renvoient le lecteur à Michel Foucault (« Folie et déraison, histoire de la folie à l’âge classique »), avec son cortège d’égarements, jusqu’à « la transcendance du délire ». Or, le patchwork proposé, musicalement achevé, rayonnant, ne correspond qu’imparfaitement au programme annoncé, au détriment de sa cohérence dramatique. Voulait-on donner un aperçu de l’Europe baroque ? L’Italie – qu’illustre si bien notre soliste – en est absente, sinon à travers « il caro Sassone » (Haendel), dont la cantate Ah ! crudel nel pianto mio est au centre du projet. Elle est précédée de deux airs de Purcell, encadrée d’œuvres vocales françaises, où Destouches se paie la part du lion. Evidemment, pour rompre l’uniformité des pièces que chante Stéphanie d’Oustrac, l’ensemble Amarillis nous offre un programme orchestral riche et varié. La composition du CD nous séduit, tout en nous laissant quelque peu sur notre faim. Ainsi, pourquoi n’avoir pas donné l’intégralité de la cantate Sémélé , de Destouches ? Ne donner que trois des six numéros (deux des trois airs) est frustrant, d’autant que moins de 5′ supplémentaires y suffisaient… Nous aurions tenu sans nul doute la version de référence. C’était aussi l’occasion de réaliser la première de la brève cantate homonyme de Cappus, écrite pour la même formation, à côté de celle de Marin Marais, dont « Descendez, cher amant » nous est offert.
Oublions ces quelques réserves. Stéphanie d’Oustrac est La Folie, des Fêtes vénitiennes de Campra. On rêve de l’écouter dans la totalité du prologue, pour le moins. Les deux airs du Carnaval et la Folie sont autant de démonstrations de son art. Ceux de Purcell, séparés par un Ground de Eccles, surprennent par sa capacité à nous entraîner dans un univers bien différent. Les musiciens que conduit Héloïse Gaillard s’y montrent exemplaires d’attention au chant. Les pages instrumentales sont vivantes et colorées à souhait.