L'Aida nouvelle de Franco Zeffirelli
fait fi du carton-pâte et innove avec des structures stylisées
entièrement métalliques, faites de lattes de cuivre horizontales.
Ça brille joliment sous les projecteurs, mais les scènes
intimistes y perdent en poésie. L'élément principal
du décor est une énorme pyramide tournante, dont les faces
figureront tour à tour l'entrée d'un temple ou la statue
de Pharaon. Les costumes sont somptueux et les scènes d'ensemble
sont aussi grandioses et symétriques que possible, la seule originalité
du spectacle résidant dans un ballet du triomphe pimenté
de postures coquines style "soka dance" !
Daniel Oren déploie énergie
et métier au pupitre. Avant la représentation du 23 juillet,
il a dirigé, outre le choeur et l'orchestre, le public tout entier
dans l'hymne national italien (très sympa) : le Président
Ciampi, chef de l'État, faisait aux arènes l'honneur de sa
visite...
Il faut un moment pour s'habituer à
l'acoustique des arènes. L'orchestre et les choeurs, même
síils sont très fournis, ne remplissent évidemment pas l'espace
comme dans un théâtre fermé, et les chanteurs ne sont
guère audibles quand on n'est pas en face d'eux. Mais passée
la première demi-heure, on ne remarque plus que l'équilibre
de l'ensemble et la facilité avec laquelle les voix passent.
Michèle Crider est une Aida
généreuse mais à l'émission toujours un peu
tendue. Fiorenza Cedolins, le surlendemain, m'a en revanche comblé
par une voix souple et lyrique au timbre rond et lumineux, sur le souffle,
capable d'ampleur et d'éclat comme de tous les raffinements de nuances
et de phrasé (un contre-ut dolce tenu à volonté
dans l'air du Nil). En Amneris, Larissa Diadkova est impériale,
avec son timbre corsé, sa puissance, sa présence. Sa seule
limite ce soir-là se situe dans l'extrême aigu : les si
bémol du duo avec Radames ne sont qu'effleurés. On devrait
bientôt parler de l'Américaine Marianne Cornetti, au mezzo
ample et sonore, de superbe couleur également, et qui ne connaît,
elle, aucune gêne de tessiture. Salvatore Licitra est un peu vert
pour Radames et les aigus sont émis soit trop prudemment, soit à
l'arraché. Mais la voix est vraiment très belle. Dommage
que son jeu de scène se limite à effectuer une rotation quand
il tient la note pour être entendu de tout l'amphithéâtre
! Ambrogio Maestri est un Amonasro d'une superbe autorité, au baryton
rond et chaleureux ; Alberto Gazale est honnête, mais la voix n'est
pas aussi bien placée. Deux basses plutôt engorgées
et une prêtresse à la voix chaude complètent la distribution.
Geoffroy Bertran
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et Il Trovatore aux Arènes de
Vérone