......
|
PARIS
09/05/2007
© Philippe Lainé
Georg Friedrich HAENDEL
L'Allegro, il penseroso ed il moderato
Ode pastorale en trois parties HWV 55 (1740)
Livret de Charles Jennens d’après John Milton
Création chorégraphique
Chorégraphie et vidéo Robyn Orlin
Réalisation vidéo Philippe Lainé
Costumes Olivier Bériot
Lumières Marion Hewlett
Incrustations vidéos Alabama Media
Assistant – Maître de ballet Fabrice Bourgeois
Chanteurs
Kate Royal, soprano
Toby Spence, ténor,
Roderick Williams, basse
Eric Price, Soliste du Tölzer Knabenchor
Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Nicolas Le Riche, Yann Bridard, Alice Renavand
Caroline Bance, Miteki Kudo, Béatrice Martel, Céline Talon, Christelle Granier, Ghyslaine Reichert
Yong Geol Kim, Simon Valastro, Sébastien Bertaud, Vincent Chaillet, Vincent Cordier, Alexis Renaud
Orchestre et Choeur des Arts Florissants
Direction musicale William Christie
Opéra de Paris, Palais Garnier, le 9 mai 2007
|
TRIOMPHE ABSOLU POUR HAENDEL…
Il y a dix ans déjà, en 1997, le spectacle Paradis,
créé par José Montalvo et Dominique Hervieu
à la maison de la Danse de Lyon avait déclenché
une petite révolution.
Ce petit bijou ludique où l’on voyait des danseurs de tous
horizons évoluer sur les pointes ou faire du hip hop sur la
musique de Vivaldi, avait une autre particularité : celle
d’utiliser la vidéo de manière virtuose, brio
qu’on retrouvera par la suite dans d’autres
créations des mêmes : Le Jardin Io Ito Ito et Les Paladins.
Il y a dix ans, insérer de la vidéo dans un spectacle de
danse était encore novateur, depuis cela s’est beaucoup
pratiqué et avec plus ou moins de bonheur.
Le problème, avec le spectacle de Robyn Orlin, c’est
qu’il est constitué de trois éléments
distincts qui ne parviennent jamais tout à fait harmonieusement
à s’imbriquer, comme c’était tout
naturellement le cas chez Montalvo : la musique, la
chorégraphie, et la vidéo.
Chez Montalvo, la vidéo faisait partie intégrante du
dispositif scénique au même titre que les danseurs
qui s’y inséraient littéralement avec une
précision phénoménale. Là,
l’écran se trouve au-dessus de la scène et
c’est en dessous, sur la scène qu’évoluent
danseurs et chanteurs, même si parfois leur image
s’insère dans l’écran du dessus. Cela a pour
effet d’obliger le spectateur à promener en permanence son
regard entre les surtitres du haut, la vidéo en dessous, la
scène proprement dite, et la salle où les chœurs
interviennent. Et il faut bien reconnaître que cette gymnastique
permanente, particulièrement fatigante a pour
résultat, au bout d’un certain temps,
d’engendrer une certaine lassitude…
En début de saison, au Théâtre du Châtelet,
un autre spectacle, d’opéra cette fois, avait
également défrayé la chronique de manière
souvent contradictoire : La Pietra del Paragone, de Rossini.
Oui, mais voilà, ce qui rapprochait ce spectacle de celui de
Montalvo, c’était l’époustouflante
virtuosité du vidéaste Pierrick Sorin, l’humour et
la fantaisie jubilatoire dans lesquels il baignait, ce qui faisait que,
quelles que soient les réserves qu’on puisse avoir
à propos de ce genre d’exercice, on passait quand
même, peu ou prou, une bonne soirée.
Avec Robyn Orlin, nous entrons dans une nouvelle
catégorie : la leçon de morale humanitaire et
politiquement correcte. De jubilation, point… On n’est pas
là pour prendre du plaisir, mais pour souffrir et si possible
compatir… L’humour est on ne peut plus absent de ce style
de spectacle, ou s’il existe, il revêt très vite un
caractère sarcastique et sombre, et passe de toute façon
de manière très fugitive. De ce bonheur lié aux
beautés alliées de la musique et de la danse, il
n’est point question non plus… … Il faut
souffrir, et surtout s’ennuyer, comme si forcément la
compassion et la prise de conscience de certaines
réalités ne pouvaient s’obtenir que de cette
manière… Le résultat est horripilant ….
On assiste donc à un déroulement répétitif
d’images sombres et cruelles sur l’Afrique du Sud, comme
par exemple le combat très long et quasiment insoutenable entre
un gnou et un lion, en sachant bien que fatalement, le lion aura
le dessus… Rien ne nous sera d’ailleurs
épargné puisque, outre l’Afrique du Sud (dont la
chorégraphe est originaire), nous avons également
droit à la Palestine, au Tsunami et aux Twin Towers…
Parfois quelques ballons d’oxygène parsèment cette
longue colonne de désolations diverses, mais ils sont bien
rares…
De plus, techniquement, les « insertions »
vidéos sont d’assez mauvaise qualité, sans doute
parce que l’esthétique est ici considérée
comme secondaire par rapport au message délivré…
Quant à l’adéquation du propos par rapport à
la prestation des danseurs, elle confine quasiment au
malaise…Comment peut-on avoir sous la main un artiste comme
Nicolas Le Riche et l’utiliser à se promener –
façon drag queen –en bikini rouge, juché sur des
bottines dorées ? Quel gâchis !
Dans l’ensemble, les danseurs sont peu ou sous employés et
on se demande si cette prétendue chorégraphie ne se
limite pas plutôt à une gymnastique
améliorée, car les contorsions et reptations qu’on
leur inflige sont vraiment indignes d’eux. C’est
d’autant plus regrettable qu’on sait très bien ce
dont ils sont capables dans un spectacle de danse contemporaine de
qualité…
Le décalage est encore plus probant avec la partie musicale du spectacle, de très haut niveau.
Le côté souvent un peu compassé et précieux
de William Christie convient tout à fait à
l’œuvre, délicate et poétique. Entendre et
voir Kate Royal est un pur enchantement : beauté du
timbre, du chant et de toute sa personne, empreinte d’une
grâce infinie. De plus,elle est probablement celle qui, parmi les
chanteurs, sait le mieux bouger…Toby Spence n’est pas en
reste, et même si, dans d’autres œuvres, il peut
sembler parfois un peu limité, pour celle-là, il est
parfait. Les autres protagonistes sont au diapason, avec une mention
spéciale pour le jeune Eric Price et le chœur et
l’orchestre, magnifiques.
On retiendra donc une prestation musicale formidable dans son
intégralité et quelques scènes, où,
immobiles, les danseurs brusquement figés baignent dans les
très beaux éclairages de Joël Hourbeigt.
Mais très franchement, à la sortie de cette aventure, on
reste convaincu qu’une fois de plus, c’est la musique de
Haendel qui aura triomphé.
Juliette BUCH
|
|