C O N C E R T S 
 
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PARIS
16/01/05
Joyce Di Donato
© DR
Le Barbier de Séville

Gioacchino ROSSINI

Almaviva : Bruce FORD
Bartolo : Alberto RINALDI
Rosina : Joyce DI DONATO
Figaro : Dalibor JENIS
Basilio : Vladimir OGNOVENKO
Berta : Jeannette FISCHER
Fiorello : Sergei STILMACHENKO
 

Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris
Direction musicale : Daniel OREN

Mise en scène : Coline SERREAU
Décors : Jean-Marc STEHLE & Antoine FONTAINE
Costumes : Elsa PAVANEL
Lumières : Geneviève SOUBIROU

Opéra Bastille
Dimanche 16 janvier 2005

En mal de remplissage depuis quelque temps, l'Opéra National de Paris joue sur du velours en programmant à Bastille cette reprise du Barbier de Séville, dans l'excellente mise en scène de Coline Serreau, créée en 2002 et déjà reprise en 2003. Pourtant, la cinéaste nous affirme ne pas être dans les papiers de la nouvelle direction, comme si ses succès obtenus dans le domaine de la comédie la rendaient suspecte aux yeux d'un administrateur qui considère et affirme que l'opéra a désormais tourné le dos à sa "fonction de pur divertissement". En tout cas, le responsable des distributions ne s'est pas donné beaucoup de peine pour l'occasion, puisque quatre des principaux protagonistes ont déjà participé à cette production.

La mise en scène de Coline Serreau est aujourd'hui suffisamment connue pour ne pas y revenir en détail : elle a déjà fait l'objet de trois séries de représentations ainsi que d'une télédiffusion. Je partage en tout cas l'enthousiasme qu'avait manifesté il y a trois ans notre ami Bertrand Bouffartigue, qui évoquait fort justement "une production où populaire rime avec grand luxe". La direction d'acteurs est précise et inspirée, tandis que gags et clins d'oeil savoureux se succèdent, sans jamais faire basculer dans la charge un spectacle d'une grande cohérence et d'une grande beauté plastique. Profitons bien de ces décors superbes et astucieux, qui nous transportent dans l'Espagne arabo-andalouse ; nous n'en verrons pas beaucoup dans les saisons à venir puisque le temps est venu des "créateurs d'espace scénique"... Au risque de paraître irrémédiablement rétrograde et passéiste, j'ai grandement apprécié cette pause de pur plaisir dans une programmation qui se veut particulièrement exigeante.

Je redoutais la présence dans la fosse de Daniel Oren, chef qui s'est généralement montré plus à l'aise dans la pompe que dans la subtilité ; j'ai été agréablement surpris par sa direction attentive aux chanteurs, soucieuse de nuances et de dynamique. C'était, de plus, un spectacle en soit de voir, pendant l'ouverture, le chef se tapir puis bondir, pour un résultat qui a emporté l'adhésion du public. Daniel Oren nous a livré un travail tout à fait méritoire, quoiqu'en rien comparable aux leçons d'un maître rossinien tel qu'Alberto Zedda. Sous sa conduite, les instrumentistes de la formation de l'Opéra de Paris se sont une nouvelle fois montrés irréprochables. Quel dommage que le public n'ait pas la correction élémentaire d'écouter les dernières notes d'orchestre avant d'exploser en applaudissements...

La distribution nous a offert des plaisirs inégaux. Il n'y a rien à redire à la pétillante Berta de Jeannette Fischer, toujours enthousiasmante dans son numéro chorégraphique et vocal, tandis que Dalibor Jenis rencontre à nouveau le succès avec son Figaro extraverti. Le baryton slovaque s'impose autant par son jeu volubile que par sa voix ample et généreuse, bien conduite et impeccablement projetée. Je suis plus réservé en ce qui concerne Bruce Ford. Certes, le comédien s'intègre parfaitement à la mise en scène (il est très drôle dans ses travestissements) et le chanteur connaît les règles du belcanto rossinien, mais les moyens ne suivent pas : la voix manque de puissance, l'aigu de liberté et la vocalise de netteté. Malgré quelques moments délicats, son Almaviva ne parvient guère à nous séduire.

Les nouveaux venus dans cette production n'apportent rien de décisif. Le vétéran Alberto Rinaldi profite habilement de la mise en scène pour camper un Bartolo scéniquement convaincant, véritable protagoniste très drôle et jamais vulgaire. Vocalement, en revanche, il affiche ses limites, en particulier dans "A un dottor della mia sorte" qui le trouve à court de souffle, et ne peut rivaliser avec le souvenir laissé par l'étonnant Carlos Chausson. Quant à Vladimir Ognovenko, c'est le type même de la basse russe, avec ses qualités et ses défauts : une voix sonore et profonde, mais un chant parfois sommaire, des sonorités caverneuses et un italien pour le moins exotique. Son véritable répertoire est incontestablement ailleurs.

J'ai gardé le meilleur pour la fin : la Rosina séduisante et délurée de Joyce Di Donato. La chanteuse américaine se joue des difficultés du rôle avec une aisance et un charme confondants, et s'affirme décidément comme l'une des meilleures mezzos rossiniennes et mozartiennes du moment. En définitive, nous avons assisté à une représentation réjouissante, même si cette reprise n'apporte guère par rapport aux séries précédentes. Et, au regard de l'accueil triomphal réservé aux artistes, on est en droit de se demander si le "pur divertissement" n'a pas encore sa place dans le coeur du public...
 
 

Vincent DELOGE
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