Après
son succès la
saison dernière, la production du Barbier de Séville
de l'Opéra Bastille méritait amplement d'être reprise.
La mise en scène de la cinéaste Coline Serreau, dont c'est
la deuxième réalisation à l'opéra, après
sa Chauve-Souris autant décriée qu'acclamée,
est une réussite et l'on ne se lasse pas de revoir cette adaptation
orientale de l'intrigue de Beaumarchais.
La direction d'acteur est rigoureuse,
originale (la scène de l'orage permet à Rosine de tout casser
dans sa chambre, pendant que le décor se transforme habilement),
sans excès mais avec quelques effets très réussis
(le petit mot doux de Rosine faisant plusieurs dizaines de pages qu'elle
déplie, ou le déplacement furtif du choeur au premier tableau,
...). La bouffonnerie de l'oeuvre ainsi mise en avant permet au spectateur
de passer une soirée bien amusante.
La mise en scène de Coline Serreau
est fort bien secondée par les magnifiques décors de Jean-Marc
Stehlé et d'Antoine Fontaine, notamment leurs extraordinaires changements
à vue : le passage de l'extérieur à l'intérieur
de la maison de Bartolo ou encore la réduction de la chambre de
Rosine au deuxième acte pendant que le jardin apparaît à
ses fenêtres. On regrettera malgré tout la disparition du
portrait de Rossini qui descendait au tableau final pendant que du sol
naissait une forêt de palmiers.
En revanche, la distribution a été
entièrement renouvelée, à l'exception de Jeannette
Fischer qui incarne encore Berta et nous charme par son agilité
scénique, surtout dans son air interprété façon
hip-hop.
Aux côtés d'honnêtes seconds rôles et de choeurs
peu inspirés, le reste des solistes nous a offert le pire comme
le meilleur.
Le Basilio de Peter Rose peut sans
aucune hésitation se ranger dans la deuxième catégorie
; vocalement et scéniquement il incarne son personnage à
la perfection: il en maîtrise aussi bien les hésitations que
les certitudes avec une voix de basse magnifique.
Bruno Pratico domine fort bien le côté
bouffe de Bartolo, mais en abusant du falsetto dès que le
livret le lui permet, au détriment d'une interprétation qui
reste uniforme et dépourvue de nuances.
Après sa prestation en Paolo
de Simon Boccanegra, on retrouve
Vassili Gerello plus à son aise en Figaro ; la voix s'y déploie
avec une puissance certaine, mais il peine encore à incarner son
personnage. Cela est d'autant plus gênant qu'il succède à
l'excellent Dalibor Jenis, révélé dans ce rôle,
et que Figaro demeure malgré tout le personnage clef de l'intrigue.
Bruce Fowler possède une belle
voix de ténorino qui convient fort bien au Comte Almaviva, mais
il recherche trop l'effet en tenant exagérément des aigus
dont l'émission laisse parfois à désirer. Les vocalises
ne sont pas toujours bien maîtrisées et pour une fois l'absence
du "Cessa di piu resistere" se fait sentir, car il nous aurait permis
de connaître les moyens réels de cette voix.
Cette représentation marquait
les débuts rossiniens de Vivica Genaux à Paris. Après
son enregistrement d'airs de
Farinelli avec René Jacobs qui avait partagé les critiques
et une prestation correcte mais peu enthousiasmante en Rinaldo
cet été à Montpellier, la curiosité était
de mise pour ce répertoire qu'elle défend outre-Atlantique.
La mezzo se révèle très convaincante en Rosine, mais
sa performance n'a pas été non plus sensationnelle. Sa voix
au timbre métallique remplit sans peine le vaste espace de l'opéra
Bastille, les vocalises sont impeccables et elle campe son personnage d'une
manière volontaire, engagée, fidèle à l'idée
féministe du personnage voulue par Beaumarchais et mise en avant
par Coline Serreau.
Jesus Lopez-Cobos dirigeait un orchestre
dépourvu d'homogénéité, les différents
pupitres semblant, tout au long de la représentation, jouer chacun
de leur côté sans concertation. Les musiciens et leur chef
ont malgré tout été bien applaudis au rideau final,
aux cotés de Coline Serreau qui méritait amplement les chaleureuses
ovations des spectateurs pour cette reprise finalement assez inégale.
Jean-Bernard Havé