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ROUEN
07/10/2007
© Patrice Nin
André CARDINAL DESTOUCHES (1672-1749)
LE CARNAVAL ET LA FOLIE
Comédie-ballet en quatre actes
Livret d’Antoine Houdar de la Motte
Production du Centre culturel de rencontre d’Ambronnay
Solistes, chœur et orchestre de la 14° Académie baroque d’Ambronnay
Mise en espace, Jean-François Daignault
Carnaval, Marc Callahan
Folie, Mélodie Ruvio
Momus, Paul Henry Vila
Plutus, Reinoud Van Mechelen
Jeunesse, Emmanuelle de Negri
Jupiter, Marduk Serrano Lopez
Vénus, Marion Tasson
Chef des Matelots, Marc-André Pronovost
Professeur de Folie, Enrique Alberto Martinez Rivero
Un musicien, Daniel Cabena
Un poète, Sorin Dumitrascu
Orchestre de la 14° Académie baroque d’Ambronnay
Direction musicale, Hervé Niquet
Toulouse, ce 11 octobre 2007
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Pauvre Carnaval !
Les auteurs de l’édition utilisée, Natalie Berton et Gérard Geai,
rappellent dans le programme que cette comédie-ballet,
probablement créée à Fontainebleau le 14 octobre
1703, puis à l’Académie Royale de Musique en 1704
et reprise sept fois jusqu’en 1755 fut un des succès de
son époque.
A défaut d’une partition précise sur la composition
de l’orchestre à la création, ils ont établi
la version qu’utilisent Hervé Niquet
et les participants de la quatorzième Académie baroque
d’Ambronnay à partir de l’édition de 1738.
Destouches y emploie, outre les solistes, un chœur à
quatre parties et l’orchestre à la française alors
en usage : quatre pupitres de cordes, flûtes, hautbois,
bassons, percussions, trompettes, et une basse continue avec viole de
gambe, théorbes et clavecins.
Hervé Niquet, quant à lui, justifie le choix de
l’œuvre : « pour des voix et des
acteurs jeunes la comédie est plus facile à
aborder…De surcroît (elle)…correspondait aux
paramètres que je voulais respecter pour mettre en valeur une
Académie où les jeunes, même spécialistes,
sont encore en cours de formation. Dans une comédie, il faut de
la discipline. C’est idéal pour des jeunes. »
L’intrigue est mince, mais qu’importe ! Carnaval le bon vivant aime la capricieuse maîtresse de l’île de la Folie
et veut l’épouser. Elle accepte, puis se ravise; le
soupirant veut quitter l’île, elle demande à Neptune
une tempête pour l’en empêcher. Carnaval recourt
alors au Vin pour noyer son amour. Momus, que les Dieux ont
chassé de l’Olympe, décide
d’intervenir : il déclare à la Folie que
Carnaval ne l’aime plus. Dépitée, elle jette sa
marotte, que Momus ramasse. Pour la distraire sa suite introduit un
professeur de folie, prétexte à danses et chants qui
célèbrent l’Amour. Quand arrive Carnaval, Momus
l’invite à oublier l’infidèle :
n’a-t-elle pas donné sa marotte à Momus en gage
d’amour ?
Ulcéré, Carnaval demande à l’Hiver de
provoquer une tempête sur le palais de la Folie. Elle se
réjouit : cet acte de vengeance prouve qu’il
l’aime toujours. Ses parents surgissent et veulent chasser
Carnaval qui a provoqué la ruine de leur domaine. Cela suffit
à déterminer la Folie à s’unir à lui.
Jupiter et Vénus descendus des cieux viennent bénir
l’hymen et c’est la fête !
Ritournelle, menuet, danse, menuet, gavotte, passe-pied 1 et 2, marche,
bourrée 1 et 2, marche, tambourin, marche, (ballet), rondeau,
chaconne, gigue, ritournelle, gigue, menuet 1 et 2, toutes ces
indications figurent dans le livret en regard des scènes. On
peut donc affirmer sans risque que les danses ne sont pas ici un
ornement secondaire et donc superfétatoire. D’où la
déception qu’inspire la version présentée.
Non tant à cause de la mise en espace, le pis aller choisi quand
les moyens d’une mise en scène ne sont pas trouvés,
mais à cause des conditions d’accueil de cette production.
© Patrice Nin
On sait qu’en ce moment Le Roi d’Ys
est représenté sur la scène du Capitole.
C’est donc sur une avant-scène édifiée sur
la fosse, devant le rideau rouge, que les trente musiciens et la
trentaine de chanteurs, solistes compris, doivent s’entasser. Jean-François Daignault
a pourtant cherché à créer une animation
pertinente, comme on peut s’en rendre compte par exemple dans la
scène du professeur de folie, tout en déplorant
l’exiguïté de l’espace dévolu aux
évolutions du chœur et des solistes pour le ballet au
cours duquel Hervé Niquet joue les maladroits. Mais la
contrainte pénalise sévèrement la
représentation, déjà privée des danseurs et
de la chorégraphie souhaitables.
Ajoutons un regret. Sommes-nous dans l’erreur, à supposer
qu’Hervé Niquet a ramené l’œuvre
à des dimensions formatées ? Le concert est
divisé en deux parties qui durent exactement cinquante minutes
chacune. Cet équilibre est atteint par certaines coupures,
à en juger par le livret, qui concernent surtout le personnage
de la Folie. Sans doute les objectifs pédagogiques et le souci
de mettre les jeunes interprètes dans les conditions les plus
favorables ont-ils leur rôle dans ce dégraissage. Mais
est-il vraiment cohérent avec l’approche globale des codes
interprétatifs de ce répertoire ? La durée
des œuvres, la longueur des rôles ne sont-elles pas des
données à maîtriser quand on entre dans la
carrière ?
Reste une musique parfois prenante, voire saisissante dans les
pastiches de fureur ou dans la grande scène finale, souvent
dansante évidemment et toujours séduisante. Les jeunes
musiciens obéissent bien à Hervé Niquet ;
loin des précipitations qu’on lui connaît avec son
ensemble, il obtient des stagiaires une belle cohésion et de
jolies couleurs, ainsi qu’une juste balance entre les instruments
et les chanteurs. Tous les pupitres sont de qualité, en
particulier la basse continue, jamais indiscrète, les bois, la
trompette et les percussions, d’une précision
délectable.
Le chœur est remarquable d’éclat et les solistes,
parmi lesquels se détachent Carnaval, Momus, et surtout la
Folie, tirent leur épingle du jeu avec brio. Pas de grande voix,
des timbres intéressants de basse, ténor, soprano et
mezzo-soprano – selon notre terminologie - et l’impression
que pour la plupart des progrès s’imposent pour
améliorer la projection.
Une autre singularité de cette représentation est le
choix de la prononciation restituée dans la ligne des travaux
d’Eugène Green. Le
souci d’une approche globale a conduit Hervé Niquet
à choisir la prononciation codifiée par un décret
de Louis XIV ; restée encore très minoritaire, cette
pratique a déconcerté des spectateurs qui regrettaient
l’absence de surtitres. Mais la majorité a chaleureusement
et longuement applaudi les artisans de cette résurrection
d’une œuvre mineure mais visionnaire : le professeur
de Folie qui chante en italien n’annonce-t-il pas la future
Querelle ?
Maurice SALLES
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