Deuxième spectacle proposé
dans le cadre du festival de Pesaro, cet Equivoco Stravagante aura
laissé le spectateur sur sa faim, d'autant qu'il supporte mal l'inévitable
comparaison avec la splendide Pietra del
Paragone donnée la veille.
Malgré le grand intérêt
que présente la découverte d'une oeuvre de jeunesse si rarement
jouée, force est de reconnaître que la partition n'est pas
ce que Rossini a fait de meilleur, même si certains ensembles, comme
le duo Ernestina-Buralicchio ou le quintette du deuxième acte (que
Rossini reprendra, justement, dans la Pietra del Paragone) sont
plus dignes de son génie.
La mise en scène, quant à
elle, fut complètement ratée, Emilio Sagi ayant sacrifié
à la tendance actuelle qui veut que les opéras soient systématiquement
et sans discernement transposés à notre époque. Or
une telle transposition est, par définition, impossible dans le
cas de l'Equivoco Stravagante. En effet, comment peut-on admettre
à l'heure actuelle qu'un homme, fût-il aussi niais que Buralicchio,
puisse croire qu'un quidam dans le besoin fasse castrer son fils unique
dans le but d'en faire un chanteur avant de le déguiser en fille
pour qu'il échappe au service militaire ? Or, toute l'histoire tourne
autour de ce quiproquo, qui donne son titre à l'oeuvre. De plus,
le metteur en scène trahit les intentions de Rossini et de son librettiste,
notamment avec le personnage de Buralicchio, homme riche mais ridiculement
sot, transformé en play-boy devant lequel s'extasient toutes les
femmes. Ajoutez à cela des décors d'une laideur à
faire peur et vous comprendrez la déception légitime des
spectateurs.
Sur le plan musical, rien d'extraordinaire
non plus, avec un chef, Donato Renzetti, le nez plongé dans sa partition,
et subissant l'orchestre plutôt que le dirigeant. Déception
également avec Silvia Tro Santafè, dans le rôle d'Ernestina.
Certes, elle n'a aucune difficulté avec la vocalità
rossinienne, elle est charmante et interprète le rôle à
la perfection, mais son timbre acide devient par moment franchement désagréable.
L'autre mezzo (Natalia Gavrilan / Rosalia) était, en revanche, très
correcte, à l'instar des deux ténors, très convaincants,
l'un dans son rôle d'amoureux transi (Antonino Siragusa / Ermanno),
l'autre en serviteur rusé (Stefano Ferrari / Frontino). Mais ce
sont les deux basses, absolument parfaites, tant vocalement que scéniquement,
qui ont dominé la soirée. Néanmoins, au vu de leurs
timbres et de leurs physiques respectifs, une inversion des rôles
eût été souhaitable, nous imaginions plutôt Bruno
Praticò en amant niais et Lorenzo Regazzo en père parvenu
et imbu de sa personne. Ceci étant, l'un comme l'autre auront contribué
à relever le niveau de la soirée.
Antoine Bernheim
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Lire aussi la critique de la
Pietra del Paragone (Pesaro, 21 Août 2002) et de Il
Turco in Italia (Pesaro, 23 Août 2002)