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PARIS
05/02/2006
© Marie-Noëlle Robert
Richard WAGNER (1813 - 1883)
SIEGFRIED
Deuxième journée en trois actes
Livret de Richard Wagner
Mise en scène, scénographie et lumières : Robert Wilson
Costumes : Frida Parmeggiani
Lumières : Kenneth L. Schutz
Siegfried : Jon Fredric West
Mime : Volker Vogel
Wotan : Jukka Rasilainen
Alberich : Sergei Leiferkus
Fafner : Kurt Rydl
Brünnhilde : Linda Watson
Erda : Qiu Lin Zhang
Stimme des Waldvogels (un oiseau de la forêt): Natalie Karl
Christoph Eschenbach : direction musicale
Paris, Théâtre du Châtelet,
le 5 février 2006, 15 heures
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Surprise, surprise
Tout est relatif. Après avoir assisté au Don Giovanni proposé par l’Opéra de Paris en ce moment, on devient beaucoup plus indulgent. Ainsi finalement, Siegfried
au Châtelet prend contre toute attente l’allure d’une
bonne surprise (rappelons qu’après les promesses de Das Rheingold, Die Walküre, nous avait laissé sur notre faim).
Non que la mise en scène de Bob Wilson se soit finalement
animée ou, mieux, qu’elle ait trouvé un sens. Mais
au-delà de ses manies, elle a au moins le mérite de
conférer une certaine intemporalité au mythe tout en
respectant les grandes lignes du livret. Et puis la deuxième
journée de La Tétralogie
se prête moins à l’analyse et
l’interprétation que les précédents volets.
L’histoire avance à grand pas vers son crépuscule
flamboyant ; tout au long de ses cinq heures et demie, on se
laisse emporter par la force du récit. Bob Wilson se
révèle d’ailleurs aussi bon narrateur qu’un
autre. Les principaux éléments épiques sont
représentés, l’épée, la forge, le
dragon, la lance brisée, et éclairés,
magnifiquement comme à l’habitude.
L’orchestre de Paris et Christophe Eschenbach font aussi meilleur
ménage. Les pupitres retrouvent un équilibre, les cuivres
de la tenue. Le chef maintient la bride, évite les
débordements de volume et parvient parfois à emporter
l’auditeur dans la tourmente : le lyrisme orageux du
prélude du troisième acte, par exemple, plus que
l’exaltation rythmique de la scène de la forge.
La distribution, elle-même, appelle moins de réserves.
Passées les premières désillusions, celles
d’un Wotan hirsute et d’une Brünnhilde massive dans
Die Walküre, on revoit ses exigences à la baisse et on
s’accommode tant bien que mal des borborygmes de Jukka
Raisilainen, du large vibrato et de l’aigu épointé
de Linda Watson. On apprécie même les belles nuances que
la soprano apporte au « Ewig war ich » dans la
scène finale. D’autant plus que son partenaire, Jon
Fredric West, accuse à ce moment le coup et force son chant afin
de surmonter cette ultime épreuve. Il est plus facile
d’occire un dragon que de triompher des pudeurs de la Walkyrie ;
Wagner se montre impitoyable en imposant ce duo immense à la fin
d’une oeuvre déjà gigantesque. Le ténor,
auparavant, n’aura peut-être pas incarné cet
invincible héros que réclament les pélerins de la
Colline inspirée mais il sera parvenu à imposer sans
faillir une certaine vaillance, forgée à partir des
sonorités mates du timbre, monolithique mais efficace. Plus que
le défaut d’intériorité et surtout de
juvénilité - Siegfried est un sale gosse après
tout, c’est en franchissant le brasier qu’il devient homme
- il trouve ses limites dans la gestuelle que lui impose la mise en
scène.
Au contraire, Volker Vogel s’en approprie les mouvements
compulsifs et, par son jeu, s’intégre parfaitement
à l’univers de Bob Wilson. Il n’est pas besoin de
comprendre l’allemand pour apprécier la clarté de
la prononciation, la couleur verdâtre avec laquelle il teinte
chacune de ses interventions, les circonvolutions reptiliennes du corps
et de la voix. Dans ce contexte, il campe un Mime idéal.
Et puis aussi, dans des interventions plus courtes mais non moins
périlleuses, les autres blocs essentiels et méritants du
monument : Kurt Rydl, sombre Fafner, l’Erda rêveuse de Qiu
Lin Zhang, le retour de Sergei Leiferkus, Alberich charbonneux et
maléfique.
Alors oui, au final, la salle laisse éclater son enthousiasme
car ce n’est peut-être pas le Walhalla mais c’est
tout de même un morceau de Tétralogie.
Format vocal et scénique obligent, ils ne sont pas si nombreux,
à Paris ou ailleurs, pour qu’on boude son plaisir.
Christophe Rizoud
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