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GENEVE
04/03/2006
Acte 1 : Annick Massis (Ophélie) et Jean-François Lapointe (Hamlet)
Photo : GTG/Isabelle Meister
Ambroise Thomas (1811-1896)
HAMLET
opéra en 5 actes
Livret de Michel Carré et Jules Barbier d’après Shakespeare
Mise en scène : Patrice Caurier et Moshe Leiser,
remontée par Jean-Michel Criqui
Décors : Christian Fenouillat
Costumes : Agostino Cavalca
Lumières : Christophe Forey
Jean-François Lapointe : Hamlet
Annick Massis : Ophélie
Nadine Denize : Gertrude
José Van Dam : Claudius
David Sotgiu : Laërte
Christophe Fel : Le spectre
Alain Gabriel : Marcellus
Romaric Braun : Horatio
Aleksandar Chaveev : Polonius
Alexandre Diakoff : premier fossoyeur
Lionel Grélaz : deuxième fossoyeur
chœur du Grand Théâtre (dir. Ching-Lien Wu)
orchestre de la Suisse Romande
direction musicale : Michel Plasson
Genève, Grand Théâtre, samedi 4 mars 2006
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Etre ou ne pas être Natalie
« Un livret faiblard et une partition impersonnelle ?
Sottises ! (…) Je n’ai aucun doute sur la valeur
dramatico-musicale de cet Hamlet ». Voici ce que
déclare Michel Plasson dans la revue du Grand
Théâtre de Genève. Nous n’allons pas le
contredire et c’est en pleine connaissance de cause que nous
avons décidé de revoir Hamlet
qui depuis dix ans sort du purgatoire : Genève puis le
Châtelet, Barcelone, Londres. Certains critiques espagnols
s’étaient déchaînés lorsque
l’œuvre fut proposée au Liceo ; pas de mots
assez méprisants pour juger cette
« sous-musique ».
Certes l’œuvre n’est pas géniale de bout en
bout, mais Ludovic Tézier, autre interprète du
rôle-titre nous confiait que si l’on ne donnait que
les œuvres géniales de bout en bout, des pans entiers du
répertoire tomberaient. Les platitudes existent, mais la
partition recèle quelques moments réussis :
l’apparition du spectre, le final de l’acte II, le duo
Hamlet-Gertrude, sans parler des airs d’Hamlet ou de la folie
d’Ophélie. On peut ne pas adhérer à
l’esthétique du Grand Opéra et à ses
conventions ; à ce titre il était intéressant
de surprendre la conversation de deux spectateurs : l’un se
plaignant de ne pas « accrocher » tandis que
l’autre avouait qu’il fallait bien s’écarter
de temps en temps des éternels Traviata-Carmen-Turandot.
Quoi qu’il en soit, le Grand Théâtre, même
s’il est bien rempli, ne fait pas le plein ce samedi.
Grâce au support DVD
la production est maintenant connue. La mise en scène de Caurier
et Leiser (remontée ici par Jean-Michel Criqui) tire vers le
morbide, le sépulcral et la névrose ; en ce sens
leur lecture est dramatiquement réussie. En revanche elle ne
fait pas l’unanimité sur le plan esthétique :
le jeu des pans de murs avançant ou reculant finit par lasser
surtout quand un objet laissé sur le sol (un morceau du cadre de
tableau brisé par Hamlet devant sa mère) coince un mur et
nous gratifie de bruits de craquement intempestifs.
Acte 1 : Jean-François Lapointe (Hamlet) et Chistophe Fel (Le Spectre du roi défunt)
Photo : GTG/Isabelle Meister
Musicalement,
félicitons d’emblée les forces stables du Grand
Théâtre : chœurs excellents, orchestre sans
défaillance aucune. Les seconds rôles sont
particulièrement bien tenus : des deux fossoyeurs au sonore
Christophe Fel (le spectre), tout est en place.
Les choses se gâtent avec la génération des
« parents ». La mère d’Hamlet est
chantée par une Nadine Denize aux prises avec un instrument
qu’il faut contrôler. A partir du si la voix passe la rampe
et l’aigu sonne, mais l’octave inférieure est devenue
sourd, inaudible parfois. Or la tessiture de Gertrude fait autant appel
aux graves qu’aux aigus et l’on entend trop les
précautions dont l’interprète s’entoure pour
gérer ses registres ; du coup
l’interprétation, trop prudente, manque de flamme.
José Van Dam fait face lui aussi au poids des ans, le grave
s’est terni, la trame de la voix s’est effilochée.
Il opte à juste titre pour un Claudius plus introverti. Que le
lecteur ne se méprenne pas : nous sommes bien là en
présence de deux grands artistes qui savent tirer parti de leur
instrument actuel, mais l’usure est réelle.
Acte 2 :José Van Dam (Claudius)
Photo : GTG/Isabelle Meister
Jean-François
Lapointe et Annick Massis n’avaient pas la tâche
facile : il fallait relever le défi de succéder
à Simon Keenlyside et Natalie Dessay. La barre était
placée au plus haut. D’aucuns préfèreront le
couple immortalisé par le DVD,
mais Lapointe et Massis se haussent lors de cette deuxième
représentation à un niveau remarquable. Lui
possède une projection impressionnante et une diction
impeccable, une voix facile et un jeu très convaincant. Un grand
Hamlet. Elle, plus réservée, enchante par sa
musicalité, sa technique, la douceur du timbre et sa grâce
– d'autres préfèreront l'interprétation hallucinee de Natalie Dessay.
Nous savons gré à Michel Plasson de défendre le
répertoire français moins connu. Sa direction est
toujours attentive aux équilibres, jamais prise en défaut
de mauvais goût. Nous lui ferons deux petits reproches cependant.
Pourquoi ces coupures ? nous ne parlons même pas du ballet,
mais par exemple le duo Gertrude-Claudius : est-ce pour
épargner Denize et Van Dam ? Par ailleurs certains tempi
sont par trop languissants : la marche funèbre à
l’acte V n’avance plus, elle s’éternise.
Là encore la direction de Bertrand de Billy (DVD) fougueuse
à souhait et soignant les dynamiques constitue une
référence.
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