......
|
SAINT-DENIS
06/06/2007
© DR
Georg Friedrich HAENDEL (1685 – 1759)
Le Messie
Laura Claycomb, soprano
Lawrence Zazzo, contre-ténor
John Mark Ainsley, ténor
Detlef Roth, basse
London Voices
Terry Edwards, chef de choeur
Ensemble Orchestral de Paris
John Nelson, direction
Festival de Saint-Denis, Basilique, le 6 juin 2007 à 20h30
|
Alleluia !
Accueilli avec succès lors de sa création à Dublin en 1742, Le Messie,
présenté l’année suivante à Covent
Garden, fut conspué par le public londonien. Les puritains de
l’époque n’apprécièrent pas que la
parole sainte fût ainsi proclamée dans un
théâtre.
Sans faire preuve du même intégrisme, on se
félicite, plus de 250 ans après, d’écouter
l’oratorio de Haendel dans un endroit sacré. Sous les
voûtes gothiques de la Basilique de Saint-Denis, la compilation
de textes bibliques réalisée par Charles Jennens atteint
une autre dimension ; le livret, privé de trame dramatique,
rend d’autant plus superflu la présence d’une
scène.
La partition elle-même, par ses climats contrastés,
s’accorde à l’esprit du lieu. Les rois de France
dorment ici pour l’éternité. Les chœurs
magnifiques qui parcourent l’oeuvre semblent évoquer leur
gloire passée tandis que d’autres moments, plus
recueillis, rappellent les limites de la condition humaine,
fût-ce-t-elle royale.
Il y a donc plaisir à retrouver Le Messie
au pied de l’autel, à condition d’accepter les
difficultés inhérentes à l’acoustique des
églises. Saint-Denis n’échappe pas à la
règle ; ici pas de boiseries pour réchauffer le son
mais la pierre dure qui fait écho et atténue les
contours. Ce défaut de netteté est heureusement
compensé par la précision exemplaire de l’Ensemble
Orchestral de Paris et du London Voices, dirigés par John
Nelson. Les attaques sont réglées au cordeau et le
déroulement complexe de l’écriture fuguée ne
souffre d’aucun décalage. Intransigeant mais souple, le
chef sait aussi ajuster les volumes, retenir ou libérer les
tensions pour mieux jouer des climats jusqu’à atteindre
l’apogée choral dans la deuxième partie
(« Surely he hath borne our griefs »).
Le London Voices - une cinquantaine de choristes ;
l’effectif est idéal - l’assiste dans cette lourde
tâche avec transparence et équilibre ; transparence
pour la façon dont se détache chaque pupitre – les
ténors, moins affirmés, en font d’ailleurs les
frais – équilibre pour la juste répartition des
masses dans les grands ensembles (« Surely he hath norne our
griefs » encore mais aussi le trop fameux
« Halleluja », « Worthy is the
lamb », etc.).
Si Le Messie contient plus de chœurs et moins d’arias que
les autres oratorios de Haendel, les solistes n’en ont pas moins
leur rôle à jouer ; certains plus que d’autres
d’ailleurs et c’est dommage car on aurait aimé mieux
profiter de John Mark Ainsley. Le ténor ne
bénéficie en tout et pour tout que d’une petite
poignée d’airs quand ses partenaires sont autrement
servis. On aime, dès sa première intervention
(« Every valley shall be exalted »), le ton et
l’assurance avec laquelle il surmonte une écriture
particulièrement véloce et tendue. La voix à la
plastique irréprochable, franche et égale,
s’épanouit cependant mieux dans l’action que la
compassion ; elle préfère le tranchant de
« Thou shalt break » à
l’émotion de « Behold and see il there be any
sorrow ».
L’émotion n’affleure pas plus dans le chant de Laura
Claycomb. Les teintes grises du timbre peinent à traduire le
charme pastoral et la douceur des sentiments. Seul l’aigu apporte
à de rares occasions la lumière que l’oreille
réclame. La soprano alors libérée retrouve les
accents qui font le prix de sa Giulietta (Bellini) ou de sa Gilda.
Peu d’émotion encore lors des interventions de Detlef Roth
car la partition réserve avant tout à la voix de basse
l’expression de la fureur - « Why do the
nations » et ses vocalises redoutables – ou de la
gloire « The trumpet will sound » ; autant
d’obstacles que le chanteur allemand parvient à franchir
sans vraiment emporter l’auditoire. Manque
d’autorité peut-être, de bronze dans le timbre aussi
pour qu’à l’éclat de la trompette
réponde un métal de la même trempe.
L’émotion semble alors seule réservée
à Lawrence Zazzo, plus que la virtuosité d’ailleurs
– son premier air « But who may abide the day of his
coming » le trouve à court de souffle. Elle atteint
un sommet d’intensité, dans la deuxième partie lors
de l’aria da capo « He was despised ». Loin
de l’angélisme auquel sa tessiture souvent le condamne, le
contre-ténor trouve alors des intonations d’une
humanité bouleversante, qui par leurs couleurs inouïes,
évoquent la souffrance contenue dans les mots (douleur,
outrages, crachats,...). Sans renouer ensuite avec un tel paroxysme,
l’effort d’interprétation et l’engagement
restent sensibles tout au long de la soirée.
Ainsi servi, Le Messie
flamboie avec grandeur mais sans emphase. Qu’importe alors si
l’oreille perd les repères baroques qui sont
aujourd’hui devenus les siens. La majesté de
l’ensemble pallie une moindre vigueur et puis, au moins, la
justesse des cuivres est imparable. Après avoir vécu
plusieurs expériences malheureuses cette saison - les Talens Lyriques au Théâtre des Champs Elysées par exemple - on avait oublié que cela était possible.
Christophe Rizoud
|
|