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MONTPELLIER
13/07/06
Blandine Staskiewicz
© Marc Ginot
Journal d’un festivalier
Montpellier, 13 juillet 2006
Si Aix et Orange sont des lieux dédicacés à l’art lyrique, le festival de Montpellier et de Radio France
joue depuis sa création la carte de la diversité.
Diversité des cultures, puisque la scène est ouverte
aussi bien aux musiciens de jazz qu’aux musiques classiques et
aux musiques du monde. Diversité des styles, puisque le
répertoire baroque côtoie aujourd’hui les musiques
du XIXè et du XXè siècle. Diversité des
genres, enfin, les concerts symphoniques alternant avec les productions
lyriques, la musique de chambre ou les récitals. Une place est
aussi réservée au cinéma et une autre aux
débats d’idées, les rencontres de Pétrarque,
centrées chaque année sur un thème
différent. Après « La Peur » en
2005, nous aurons « Soigner » en 2006.
Montpellier joue aussi la carte de la diffusion vers un public le plus
large possible, par la voie des ondes, tout d’abord, puisque
Radio France, partenaire de l’événement, retransmet
en direct ou en différé la plupart des concerts du
festival, mais aussi en direction du public local et des
festivaliers : entrée gratuite pour de très nombreux
concerts, et prix doux pour tous les autres.
Ici, les plus grands noms voisinent avec les jeunes talents, et les
chefs-d’œuvre reconnus alternent avec le
répertoire le plus original ; René Koering, qui
préside à la manœuvre depuis des années, est
passé maître dans l’art d’exhumer des
partitions, oubliées parfois à juste titre, ce qui nous
valut, au cours des dernières saisons, quelques
découvertes notoires mais aussi bon nombre de déceptions.
La soirée d’ouverture présentait en version de concert la Sémélé de Marin Marais
(1709), peu jouée il est vrai, mais pas tout à fait
inconnue cependant puisque l’œuvre fut montée il y a
six ou sept ans à Bruxelles, dans le cadre du Printemps Baroque
du Sablon.
Ceux qui ont découvert Marin Marais par le cinéma, ou
mieux par le livre de Pascal Quignard, sont loin d’imaginer les
richesses de sa musique lyrique, qui n’a rien à envier
à sa musique instrumentale. En digne successeur de Lully, mais
seulement après la mort de ce dernier, Marais composa quatre
tragédies lyriques, écrites selon les règles du
genre, c’est-à-dire avec une prééminence du
livret sur la partition, dont Sémélé
est la dernière et probablement la plus aboutie. Certes,
Antoine Houdar de la Motte, à qui on doit ce livret-ci,
n’est pas Quinault ; mais l’œuvre musicale est
particulièrement réussie, tant les parties solistes que
les chœurs ou les intermèdes instrumentaux.
Hervé Niquet
© Marc Ginot
A la tête de son ensemble Le Concert Spirituel, chœur et orchestre renforcés et en grande forme, Hervé Niquet a réuni une belle brochette de jeunes solistes, formant une distribution très homogène et complice. Blandine Staskiewicz, séduisante Sémélé au timbre rond et clair, Bénédicte Tauran, Dorine pleine de caractère et de verve, et Hjördis Thébault (Junon) se partagent les voix de dessus. Du côté des hommes, on remarque la vaillance et l’ardeur d’Emiliano Gonzales-Toro dans le rôle difficile d’Adraste, et la très brillante performance de Thomas Dolié en Jupiter, jeune baryton à la voix exceptionnellement timbrée. Ils partagent la vedette avec Stephan MacLeod, Mercure, et Marc Lambonnette en Cadmus.
Par sa direction précise et inspirée, sa grande rigueur
et son souci du texte, Niquet se hisse ici au niveau des plus grands
parmi les jeunes chefs de musique baroque française, et signe
une interprétation digne d’éloge, qu’on
souhaiterait voir paraître bientôt en disque.
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